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ses racines et ses radicelles dans les couches profondes du pays, que grâce à une foule de moyens accessoires et de « trucs » peu grandioses. Il est pour les assureurs des hasards heureux, des affaires enlevées en quelques minutes, au café, dans la rue. Tel inspecteur fit un jour signer une police sur le parapet d’un pont ; tel autre engage conversation, dans l’express de Marseille, avec un de nos directeurs de théâtre les plus connus, lie connaissance à Dijon et rédige, sur sa table de voyage, un contrat important qui, avant d’arriver à Lyon, était déjà paraphé et classé dans sa serviette.

En général, les négociations sont lentes, et, lorsque, après s’être fait longtemps attendre, l’assuré se décide, c’est quelquefois la compagnie qui le repousse, tantôt pour des causes morales, — vie déréglée, profession peu avouable : — le plus souvent pour des raisons de santé. L’assuré est invité à faire connaître, sur la formule d’adhésion qu’il doit signer, s’il a été réformé du service militaire ; s’il a fait campagne ou résidé hors d’Europe ; s’il a été malade et qui l’a soigné ; s’il est marié, combien d’enfans ; s’il a des frères ou sœurs, leur âge et leur santé ; si ses père et mère vivent encore et comment se porte « toute la parenté ». Le tout afin de pouvoir conjecturer la force probable de résistance au décès qu’offrira le candidat. L’agent qui propose l’affaire adresse en même temps des renseignemens confidentiels sur « le but que veut atteindre la personne à assurer, » sur l’origine du contrat. A qui en appartient l’idée ? Est-il le résultat de sollicitations ? L’agent connaît-il depuis longtemps le client ? Est-il son ami, son parent ; a-t-il avec lui des intérêts communs ? Croit-il que cet assuré soit en mesure de payer facilement ses cotisations ? Quand les « interrogans » imprimés ont été remplis, tant bien que mal, et envoyés à la compagnie, celle-ci fait procédera l’examen médical.

Quelle que soit l’importance de la somme, le médecin est tenu de répondre à un questionnaire technique et précis, condensant les résultats de l’auscultation, palpation, percussion, du cœur, de la poitrine, du foie, de l’estomac. S’il s’agit d’une femme, il énoncera « les particularités ou les troubles qui peuvent exister dans les fonctions spéciales à son sexe. » Il tiendra compte des plus minces détails, dira si la force musculaire est normale, si le sujet paraît plus jeune ou plus vieux que son âge ; indiquera s’il y a excès ou insuffisance d’embonpoint, le poids, la taille, la grosseur ; si la personne éprouve « quelque hésitation dans la marche à yeux fermés. » si elle a fait une saison d’eaux minérales, si elle en absorbe habituellement chez elle et lesquelles, etc. Pour les polices supérieures à 20 000 francs il doit se livrer à une critique « uroscopique » du sujet, et prononcer si le liquide est « louable ».