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moitié de la somme fixée d’avance : 12 500 ou 25 000 francs. Ces deux chiffres seront, après cinq ou dix ans, la « valeur de réduction » de sa police. S’il s’agit d’un assuré auquel est garanti un capital en cas de décès, la valeur de son contrat réduit dépend, comme la précédente, du nombre de primes acquittées. Un homme de 40 ans qui paye depuis dix ans pour assurer 50 000 francs à sa mort, et qui ne se soucie plus de continuer, demeure néanmoins créancier de la compagnie pour 12 500 francs. C’est à peu près le total des primes perçues.

Mais s’il n’a plus le désir de rester assuré pour une somme quelconque, la compagnie lui escompte en argent comptant cette créance éventuelle, cette assurance tronquée, pour un prix qui varie selon l’âge du client. Il est clair qu’une obligation de payer 12 500 francs, en cas de mort, est à échéance plus lointaine si le sujet a 40 ans que s’il en a 60. La première, étant moins lourde, se rachète moins cher. En restituant ainsi à ceux qui les quittent une portion de ces primes, que nous avons vu précédemment être très supérieures aux risques de début, les compagnies ne leur font pas un bien grand cadeau ; elles auraient pu cependant tout conserver sans injustice, puisque les parties peuvent toujours régler les marchés à leur guise et qu’on ne rend par exemple absolument rien aux contractais dont la police n’a pas une durée minimum de trois ans.


V

Le motif de cette exception est fort simple : le bénéfice des assureurs, durant les premières années, est entièrement dévoré par les courtages de leurs agens. Nous n’avons en effet envisagé jusqu’ici que le prix exact du risque, la « prime pure ». Elle s’élève, nous l’avons vu, à 180 francs par an pour garantir en cas de décès 10 000 francs à un homme de 30 ans. Or les quatre grandes compagnies françaises exigent actuellement 207 francs. Cet écart de 87 francs est ce qu’on nomme le « chargement », destiné à faire face aux frais généraux et à constituer le profit des assureurs. Les deux premiers élémens de la prime — risque et réserve — étaient mathématiques : ce dernier est arbitraire.

La prime ainsi chargée, c’est-à-dire la « prime brute », celle des tarifs, est soumise à deux influences qui agissent en sens contraire : l’une tend à l’augmenter, c’est l’intérêt des compagnies qui cherchent à réaliser le plus de bénéfices possible ; l’autre tend à la réduire, c’est la concurrence de ces mêmes compagnies entre elles. Il s’établit ainsi un cours des primes d’assurances, comme un cours des marchandises, des effets publics et des