Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 131.djvu/312

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maritimes entre les deux postes français de Tintingue et de l’île Sainte-Marie.

L’apparition des Hovas répandit la terreur parmi les populations indigènes de la côte, et ces malheureuses et inoffensives tribus, abandonnant leurs villages et leurs plantations, se chargèrent de vivres et d’effets, poussèrent leurs bœufs devant elles, et vinrent se réfugier en masse sous la protection du fort français. Déserte quelques semaines auparavant, la baie de Tintingue se couvrit subitement d’une population tremblante de terreur qui ne se sentit rassurée que sous notre pavillon.

Le 22 août, le commandant Gourbeyre avait reçu une lettre du premier ministre hova, répondant à celle qu’il avait fait parvenir à la reine. Par cette lettre il était informé que les commissaires français seraient reçus à Tananarive pourvu qu’ils y fussent rendus le 23 août, c’est-à-dire le lendemain même. Fixé sur la mauvaise foi des Hovas par une communication aussi étrange, il résolut de ne plus se laisser amuser par ces sempiternels délais, et jugeant la situation de Tintingue suffisamment forte, après avoir affecté à sa défense une garnison de 300 hommes sous les ordres du capitaine Gailly, et laissé dans la rade la gabarre l’Infatigable, il mit à la voile le 3 octobre et cingla vers Tamatave. Le 10 il mouillait en vue du fort hova, persuadé qu’il allait avoir à commencer la lutte.

« Le 11, dès la pointe du jour, raconte un des officiers de l’expédition, la frégate la Terpsichore, les corvettes la Nièvre et la Chevrette et les troupes de débarquement se préparèrent à combattre. Le temps était incertain, les vents variaient, ce ne fut que sur les sept heures que les bâtimens se trouvèrent embossés. A sept heures et demie, le commandant Gourbeyre envoya l’élève de marine Marceau porter deux lettres au commandant hova qui s’intitulait « le prince Coroller ». Dans la première il lui demandait s’il avait des pouvoirs pour traiter : la deuxième, qui était une déclaration de guerre, ne devait être remise qu’au cas de réponse négative et au moment de s’embarquer pour retourner à bord. « Le Prince » était encore au lit lorsque l’élève Marceau se présenta chez lui ; après avoir pris connaissance du contenu de la lettre, il répondit que la reine n’avait pas étendu jusque-là ses pouvoirs. M. Marceau retourna aussitôt à son canot et remit à un aide de camp du prince la seconde lettre en poussant au large. A peine était-il arrivé abord que le commandant Gourbeyre s’empressa de lui demander quelles nouvelles il apportait. Sur sa réponse il ordonna de commencer le feu aux canonniers qui se tenaient, mèche allumée, à leurs pièces. Aussitôt les flancs des bâtimens lancèrent une grêle de boulets sur le fort des Hovas dont