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inconvéniens dont la philanthropie doit tenir compte. On prétend que Tintingue est très insalubre et que son séjour peut être funeste aux Européens. Il se peut que l’assertion soit juste, mais elle est au moins bien hasardée. Les blancs en effet n’ont jamais habité cette partie de la côte de Madagascar, les faits n’ont donc pas pu faire connaître l’influence du climat sur eux. D’autre part les naturels assurent que Tintingue est très sain, comparativement à Sainte-Marie surtout. Que faut-il croire ? J’ai pensé, et les officiers de santé pensent comme moi, qu’il faut habiter pour se former sur cette question une opinion exacte ; l’expérience seule doit être consultée[1].


Les travaux furent immédiatement poussés avec toute la célérité que permettait le personnel peu nombreux dont on disposait : « La commission, raconte un des officiers de l’expédition[2], fut dissoute le 5 août et le plan de M. Gailly adopté. Cet officier distingué mit tant d’activité qu’en deux mois on vit s’élever comme par enchantement un établissement militaire capable de résister aux Hovas. » Un autre témoin oculaire, M. Pasquet de Larevenchère, lieutenant au 16e léger, donne encore les détails suivans qui montrent l’activité déployée par tous : « M. Gailly fit aussitôt le tracé des fortifications et tout le monde se mit à l’ouvrage. Chacun, dominé par cette pensée qu’il jetait peut-être les premiers fondemens de la puissance de la France dans ce pays, était animé d’une ardeur que n’affaiblissait pas la chaleur brûlante du climat. Les officiers donnèrent l’exemple et ne dédaignèrent pas de mettre bas l’uniforme pour remuer la terre. Aussi en peu de jours cette contrée sauvage vit s’élever des cases à la place des ronces et des arbres qui la couvraient. De larges et profonds fossés furent creusés autour de l’enceinte que l’on devait occuper et des batteries hérissées de canons en défendirent au loin l’approche. En avant du fort, à 450 toises, une palissade allemande, armée de 2 pierriers et appuyée par les deux extrémités au bord de la mer, nous servit d’avancée[3]. »

Grâce à cette activité et à ces résultats, le commandant de l’expédition jugea qu’il pouvait procéder à l’inauguration du fort, et y arborer le drapeau français. Le 16 septembre il donnait l’ordre du jour suivant dans lequel il réglait en ses plus minutieux détails le cérémonial de cette fête :


ART. 1. — Le 18 septembre, à 10 heures du matin, le pavillon français sera arboré sur la presqu’île de Tintingue.

ART. 3. — Les canonniers, le détachement du 16e léger et celui du corps africain qui forment la garnison de Tintingue prendront les armes.

  1. Dépêche du commandant Gourbeyre du 20 août 1829 (Archives coloniales).
  2. M. Jourdain, capitaine de frégate, Revue de l’Orient, année 1846.
  3. Journal de l’Armée, 1834, p. 45.