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l’exercice de certains mandats. Les ouvriers seuls feraient-ils exception, et cette exception serait-elle fondée sur l’obligation imposée à la compagnie qui les emploie de leur payer un salaire quand même ils ne feraient aucun travail ? Il suffit d’énoncer simplement de pareilles propositions pour que le bon sens en fasse justice. Mais les mœurs sont indulgentes, et nous vivons à une époque où les compagnies industrielles n’ont garde de pousser leur droit à l’extrême. Elles auraient celui de dire qu’elles ne connaissent que l’ouvrier, qu’elles ignorent le conseiller municipal, ou le conseiller d’arrondissement, ou le maire, et qu’elles n’ont à payer que le travail qu’on leur fournit réellement. Le font-elles ? Non. Il n’en est pas une qui n’accorde à un ouvrier, dans une mesure raisonnable, les facilités dont il a besoin pour soutenir une candidature ou pour remplir un mandat électif. La seule condition qu’elles y mettent est qu’on leur demande une autorisation de s’absenter qui est indispensable, au lieu d’invoquer, ou plutôt de s’arroger d’autorité un droit qui n’existe pas. M. Baudot, depuis le commencement de l’année, a, dit-on, travaillé en moyenne un jour sur trois. C’est bien peu ! Il est vrai que, si un ouvrier est malade, il se fait porter manquant et un autre le remplace : M. Baudot s’appuie sur cette tolérance, qui s’applique à des cas toujours rares, pour justifier ses disparitions volontaires et multipliées. Comment admettre le change ? M. Baudot a été averti plusieurs fois que la Compagnie n’accepterait pas plus longtemps l’incorrection de sa conduite, et lui-même, un moment, a reconnu le bien-fondé des observations qui lui avaient été faites. Mais l’habitude ou le naturel l’a emporté. M. Baudot a continué de ne pas se montrer à l’usine. Pendant douze jours consécutifs, sans autorisation, sans avertissement préalable, il a déserté l’atelier. S’agissait-il, cette fois, d’une élection au conseil d’arrondissement ? S’agissait-il d’un mandat a briguer ou à remplir ? Pas le moins du monde : M. Baudot était allé à un congrès à Marseille. Il y a beaucoup d’élections par le temps qui court, trop peut-être, et de bons esprits estiment que le renouvellement de nos corps politiques ou administratifs se reproduit avec une fréquence excessive. Mais que sera-ce si à cette cause d’absence un ouvrier politicien ajoute celles qui dériveraient pour lui de la nécessité d’assister à des congrès ? Les élections, en somme, n’ont lieu qu’à des intervalles réguliers et dont les échéances sont connues et prévues d’avance : mais les congrès ! il y en a tous les jours. On ne citerait pas une semaine où il ne s’en tienne quelqu’un, sur un point de la France ou de l’Europe. Exigera-t-on des compagnies qu’elle entretiennent des ouvriers pour faire, de l’un à l’autre, le métier de voyageurs au profit de leurs camarades ? Si les ouvriers veulent avoir des représentans dans les corps électifs ou dans les congrès, soit ; personne n’y mettra obstacle ; mais qu’ils les paient ! Alors tout rentrera dans l’ordre, et on aura supprimé une des