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présence n’était pas la cause, mais l’effet de la maladie ; et la question ne fut résolue qu’au moment où parurent les mémoires de Sperchneider et de Bary, qui démontrèrent victorieusement que la maladie est due à l’invasion des tiges ou des tubercules par une variété de Peronospora, le Phylophtora infestans. Ce champignon parasite émet à certaines époques des spores infiniment petites qui flottent dans l’air et sont entraînées par le vent, si elles tombent sur un milieu suffisamment humide, elles y vivent, et pendant une courte partie de leur existence sont mobiles. Elles portent des cils vibratiles qui leur permettent de se transporter dans un liquide d’un point à l’autre. Bientôt le zoospore se fixe, perd ses cils et commence à émettre un filament germinatif qui se développe et forme une plante complète. Le mycélium se propage entre les cellules du végétal envahi, les sépare, les dissout ; ses ramifications se propagent de toutes parts, aussi bien dans la tige que dans le tubercule ; quelques rameaux de ce mycélium des feuilles s’échappent au travers des stomates, fructifient et émettent des spores qui vont au loin propager la maladie.

De longues années se sont écoulées entre la découverte du Phytophtora infestans et celle du mode de traitement qu’il convient d’appliquer pour se mettre à l’abri de ses ravages, et, chose singulière, ce sont des études sur la vigne qui ont conduit à découvrir le remède à appliquer aux pommes de terre.

Vers 1881, nos vignobles commencèrent à être atteints par une maladie cryptogamique qui nous est arrivée d’Amérique, comme le phylloxéra. Cette année-là, ce fut surtout l’Algérie qui fut atteinte. En 1882 la maladie se déclara en France dès le commencement de mai ; les feuilles étaient tout d’abord couvertes d’un duvet blanc, que M. Prillieux, inspecteur général de l’enseignement agricole, reconnut appartenir au Peronospora viticola qu’on désigne souvent sous le nom de mildew ou, à la française, de mildiou. Ses ravages ont été terribles. Je me rappelle qu’allant, en 1885, de Vicence à Venise, je parcourais un pays où les pampres de la vigne courent en festons d’un arbre à un autre : les rameaux étaient absolument dépouillés de feuilles ; on voyait seulement, suspendues aux branches, des grappes verdâtres qui ne devaient pas mûrir. Dans toute l’Europe occidentale, les pertes pendant plusieurs années furent considérables. Une circonstance heureuse mit sur la voie où l’on rencontra une méthode de traitement efficace.

Il est d’usage depuis longtemps, dans certaines parties du Médoc, d’asperger les vignes qui bordent les chemins avec du lait de chaux auquel on ajoute un sel de cuivre. Cette opération a pour but d’empêcher les enfans et les maraudeurs de cueillir les raisins mûrs qui sont le plus à leur portée ; ils craignent