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matériaux dont ils disposent de façons différentes, suivant les conditions dans lesquelles ils sont placés, et toujours en développant les organes dont l’accroissement est le plus avantageux.

Que le tubercule donne des pousses blanches et grêles à l’obscurité, ou vertes et courtes à la lumière, il n’accomplit ce travail qu’à ses dépens ; il mérite absolument le nom de mère qu’on lui a donné : il se ride, se vide, diminue île poids. Sa fécule se dissout, devient glycose, puis cellulose pour former les parois des cellules des organes nouveaux ; les matières azotées, les albuminoïdes du tubercule se dissolvent également, et pour pénétrer dans les jeunes pousses où on les retrouve bientôt à leur état primitif, elles prennent la forme transitoire de substances solubles, dialysables, cristallines. Parmi ces dérivés des albuminoïdes se trouve la solanine, matière vénéneuse, comme plusieurs autres principes sécrétés par la famille des Solanées, à laquelle appartient la pomme de terre ; on sait, en effet, que la nicotine se rencontre dans le tabac, et l’atropine dans la belladone. Les propriétés toxiques de la solanine sont bien connues des praticiens, qui ne manquent pas de priver de leurs pousses, où se localise la solanine, les tubercules germes avant de les distribuer aux animaux.

Quand les tubercules ont été régulièrement plantés, que leurs bourgeons se sont normalement développés ; que les radicelles commencent à puiser dans le sol l’eau et les matières dissoutes, et les feuilles dans l’atmosphère l’acide carbonique aérien, le rôle du tubercule mère n’est pas terminé : il continue à se vider des provisions de matières nutritives qu’il renferme encore, et, après quelques semaines, ridé, noirci, presque réduit à ses enveloppes, il sert encore de réservoir d’humidité, tellement que sa suppression, même tardive, diminue la vigueur des plantes qui en ont été privées et par suite l’abondance des récoltes.

Si, avec M. Aimé Girard, à qui on doit sur la culture de la pomme de terre d’importans travaux que nous utiliserons souvent dans cet écrit, on suit l’évolution des différens organes depuis la plantation jusqu’à la récolte, on reconnaît que dès le mois de juillet le réseau des radicelles est complètement formé : son poids ne varie plus jusqu’à la fin de septembre, et c’est seulement au mois d’octobre qu’il participe à la décadence de toute la plante. Les feuilles se développent rapidement pendant les mois de mai et de juin ; elles ne s’accroissent plus que médiocrement en juillet et en août, tandis que c’est seulement pendant ce dernier mois que le poids des tiges présente son maximum.

Les tubercules, qui ont commencé à se montrer dès les