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LA HONGRIE
ET L’OPPOSITION CROATE


I

Il faut remonter aux événemens de 1849 pour trouver les traces, d’ailleurs sanglantes, du seul conflit entre Hongrois et Croates dont le public se soit jamais occupé. Les contemporains y virent moins, du reste, l’effet d’une rivalité de races qu’un élan populaire de loyalisme qui se portait au-devant d’une révolution. C’est l’une et l’autre cause qui mirent ces peuples aux prises : la première seule subsiste, car le chemin de la rébellion a été, pour les Hongrois, celui du pouvoir. La constitution de 1867 en a fait les associés, souvent impérieux, de la politique autrichienne. À l’intérieur ils gouvernent la descendance des hommes qui leur rappelèrent jadis leurs devoirs de sujets. Il ne paraît point que cette bienveillante ironie du sort leur inspire un gouvernement paternel. Ils ont contraint la Transylvanie à poser, devant l’Europe, la question roumaine. La question croate est moins connue. L’intérêt va naturellement à qui l’appelle, et, hors de la monarchie ou de l’armée, les Croates ont rarement su faire parler d’eux.

En France, ils n’éveillent que des souvenirs militaires. Ils ont servi contre nous, quelquefois avec nous ; l’histoire môle leur nom à la rumeur de toutes nos grandes guerres ; la légende en a fait les Cosaques de l’empire autrichien. La campagne improvisée qui les conduisit, en 1849, sous les murs de Vienne, si elle ajoute à leur gloire, ne change rien à leur physionomie. Nous avons peine à nous les figurer aujourd’hui sous les traits d’un peuple constitutionnel.