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aussi longtemps que le revirement n’aura pas été salué d’abord par les classes qui tirent du sol les céréales et les matières textiles. Il est peut-être encore un peu tôt pour déclarer que l’heure tant désirée de la reprise a enfin sonné. Les signes sont là, cependant, visibles. Lorsque les Anglais veulent se rendre compte de l’état général des affaires, ils consultent volontiers ce baromètre ingénieux de l’Index Number, qui permet de comparer eu bloc les prix d’un grand nombre des denrées dont s’alimentent les marchés internationaux. La série, depuis douze mois, donne la courbe suivante, traduite ; en chiffres qui expriment des ensembles de prix : — en 1891, au 1er avril, 2 021 ; juillet, 1 974 ; octobre, 1 952 ; — en 1895, janvier, 1 923 ; mars, 1 906 ; avril, 1 921 ; mai, 1 925. Les prix sont tombés au plus bas, d’une manière générale, au commencement de mars de cette année. Il s’est produit ensuite un relèvement au niveau constaté pour les derniers jours de 1894. En juin ce niveau a été quelque peu dépassé.

Il faut encore mentionner les États-Unis et leurs achats considérables en Europe, aussi actifs qu’en 1893 avant la crise, et constituant une sorte de réouverture du marché américain aux produits du vieux monde, pour expliquer l’amélioration survenue, durant les six premiers mois de 1895, dans les résultats de notre commerce extérieur, concordant avec un mou veinent analogue en Angleterre et en Allemagne. Nos importations ont diminué, nos exportations ont augmenté. Nous avons acheté au dehors de moindres quantités d’objets d’alimentation et aussi, ce qui est un symptôme peu satisfaisant, de matières premières nécessaires à l’industrie ; mais le trait le plus encourageant est l’accroissement de quatre-vingt-douze millions de francs dans la valeur des objets fabriqués, vendus par notre industrie à l’étranger, surtout à l’Amérique du Nord. On peut pardonner aux protectionnistes de célébrer un peu pompeusement ce commencement d’essor nouveau de notre commerce d’exportation ; ils en avaient attendu vainement l’occasion depuis l’application de leur tarif, et il faut souhaiter, pour notre industrie nationale que menacent tant d’autres dangers, que la suite justifie ces cris encore prématurés de victoire.

Certes, il est heureux que nos exportations deviennent plus actives, et l’amélioration réalisée mérite d’être signalée ; mais il faut, pour l’apprécier à sa juste valeur, considérer tout le terrain perdu depuis quatre années. Que l’on nous pardonne de présenter ici quelques chiffres qui ont leur éloquence. Nous exportions en Angleterre, en 1890, pour 1 026 millions de francs de nos produits et marchandises fabriquées ; le total est tombé à 1 012 en 1891, à 901 en 1893, à 913 en 1894. Nos exportations en