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éducation allemande qui influe sur toute leur existence. Les plus puissans auxiliaires du Schulverein sont les juifs, au nombre de près de 100 000 en Bohême, et, là, comme partout, des prosélytes infatigables de germanisation. Bien qu’établis presque tous en pays tchèque, 52 pour 100 se sont, au recensement, déclarés de langue allemande. Toute école israélite — et les écoles israélites sont ouvertes aux enfans de toutes les confessions — est une école allemande ; et dans bien des localités, sans l’école israélite, il ne pourrait y avoir d’autre école qu’une école tchèque.

Le danger que le Schulverein fait courir à la nationalité tchèque est des plus menaçans. Depuis un demi-siècle, depuis l’instruction obligatoire et la poussée irrésistible qui entraîne les classes inférieures à élever le niveau de leur culture intellectuelle, l’école est devenue une arme terrible entre les mains des gouvernemens et des partis. Nous en savons quelque chose en France par les luttes religieuses qui sont nées des lois scolaires. En Autriche, et surtout en Bohême, où toutes les questions s’effacent devant les questions de nationalité, l’école est le grand instrument de la guerre des langues. C’est à coup d’écoles que le Schulverein prétend germaniser la Bohême, et s’il avait toute liberté de le faire, il lui suffirait sans doute de deux ou trois générations pour y parvenir.

À ce péril évident, les Tchèques cherchent à parer en se servant de la même arme. Au Schulverein ils ont opposé la Matice skolska. Fondée en 1880, la Matice, ou fonds tchèque, a déjà fondé 2 gymnases, 56 écoles publiques et 48 écoles maternelles. Kl le entretient actuellement 1 gymnase, 42 écoles primaires et 40 écoles maternelles sur ses seules ressources. Tantôt elle crée des écoles, en pays mixte, dès que le nombre d’enfans parlant le tchèque est suffisant ; tantôt elle se substitue à l’administration et fonde elle-même l’école tchèque privée là où une école publique devrait exister, aux termes de la loi. Déjà elle a forcé la main à l’administration en l’obligeant à prendre à son compte 1 gymnase et 15 écoles primaires, fondés par elle. 9 328 enfans fréquentaient, en 1894, les écoles de la Matice, et 4 000 les écoles fondées par la Matice et devenues publiques. Ce sont, en tout, 13 330 enfans sauvés de la germanisation, qui, sans elle, les aurait sûrement atteints.

Pour subvenir aux frais considérables de ces écoles, et entretenir partout un mouvement d’opinion en faveur de l’éducation nationale, la Matice a, sur tout le territoire, des comités locaux : elle en compte 221 en Bohême, 43 en Moravie, 3 en Silésie ; chiffres bien insuffisans encore, si on les compare à ceux du