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porte à une proposition transactionnelle. — Soit, a-t-il dit : nous voulons tous un débat ample et approfondi ; renvoyons-le après les vacances. Mais il ne peut conserver ce caractère qu’à la condition d’avoir une sanction immédiate dans le vote des contributions directes : il faut donc réserver le vote de ces contributions, sinon totalement, au moins partiellement, pour le mois d’octobre. Cela n’empêchera pas les conseils généraux et les conseils municipaux de faire leur travail ordinaire : ils prendront seulement pour base le montant du principal inscrit aux rôles de 1895, « en tenant compte toutefois des mouvemens de la matière imposable. » — Qu’est-ce que cela voulait dire au juste, la Chambre ne l’a pas très bien compris. — On vous propose, a dit M. le président du Conseil, de voter les quatre contributions sans les voter ; de les voter pour les départemens et pour les communes et non pas pour l’État ; de laisser aux assemblées départementales et communales le soin de voter des centimes additionnels à un principal qui n’existerait pas encore. — Évidemment, cette méthode était peu recommandable, et on comprend que la Chambre ne l’ait pas adoptée. D’autant plus que d’autres auteurs de projets d’impôt sur le revenu, M. Naquet par exemple, sont venus réclamer contre le préjugé favorable au système de M. Cavaignac que constituerait le vote de la Chambre, s’il se produisait dans de pareilles conditions. — Nous serions forclos ! — s’est-il écrié. L’obscurité était à son comble, et la Chambre s’en est tirée en mettant en bloc hors du budget les projets d’impôt sur le revenu. C’est ce qu’on appelle, dans le langage parlementaire, opérer une disjonction. On a disjoint du budget toutes les propositions sur le revenu, comme on l’avait fait déjà pour la réforme des boissons et pour celle des droits successoraux. Rien de plus sage : si les Chambres avaient adopté plus tôt cette règle, elles se seraient épargné beaucoup de difficultés, et plus d’un budget qui n’a été voté qu’après deux ou trois mois de retard et de douzièmes provisoires, l’aurait été en temps utile. Nos faiseurs de projets, nos inventeurs de réformes, n’ont qu’une demi-confiance, non pas dans leurs inventions qu’ils jugent admirables, mais dans l’accueil que leur fera la Chambre ; et, alors, quelle est leur tactique ? Ils regardent à juste titre le budget comme un très puissant remorqueur aux flancs duquel ils attachent plus ou moins ingénieusement et solidement leurs propositions. La nécessité de voter le budget, et la fatigue à laquelle la Chambre arrive à un certain moment de sa discussion, ont fait passer bien des réformes, celles-ci bonnes, celles-là médiocres, quelques-unes mauvaises. C’est là un détestable système. Il alourdit le budget et retarde sa marche. Il fait perdre de vue l’intérêt qui s’attache aux réformes en elles-mêmes, en les confondant avec la masse imposante, mais parfois un peu confuse, de la loi de finances. Les Chambres antérieures se sont trop souvent laissé entraîner à