Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 130.djvu/431

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas indiqué dans son ouvrage si les descendans des tribus de nains avaient encore conservé ce précieux avantage. La reine Hatschopsot n’avait pas besoin d’envoyer ses explorateurs dans la Nubie et le Soudan, car depuis près de treize siècles ces régions avaient été soumises par les Egyptiens. Ce fut ailleurs qu’elle porta ses regards, sur des contrées africaines inconnues à ses sujets, sur une terre qui avait graduellement reculé vers l’Equateur, et même au-delà, à mesure que les connaissances géographiques des Egyptiens étaient devenues plus complètes, la terre de Pounet, nommée aussi Terre divine, pays merveilleux qui produisait l’anti, l’un des parfums les plus recherchés en Égypte, la patrie de l’encens, des animaux inconnus ou rares. Elle résolut d’envoyer une expédition en ces lieux qui apparaissaient aux imaginations comme une terre de délices.

Mais cette terre, on ne pouvait penser à s’y rendre par les voies ordinaires de pénétration au cœur de l’Afrique ; il fallait affronter les hasards de la mer, car tous les produits arrivaient en Égypte par la mer Rouge, malgré l’éloignement et le désert qui la séparaient de Thèbes. On lit construire de grandes barques au nombre de cinq et, quand on y eut chargé la pacotille et les provisions nécessaires, on s’embarqua, on navigua comme on naviguait en ce temps-là, en longeant la côte et en y abordant chaque soir pour y passer la nuit. Pour un peuple qui, comme nous l’ont assuré les Grecs, avait peur de la mer et ne sortait pas de sa vallée, voilà une entreprise bien audacieuse, sur une mer inconnue, à la recherche d’un pays inconnu, et qui décèle au contraire une connaissance assez avancée de la navigation et l’ardeur même qui anime nos modernes explorateurs.

L’expédition remplit sa tâche, elle parvint à ce que les textes nomment les Échelles d’Anti, c’est-à-dire à la côte actuelle des Somalis, où les habitans d’alors ne furent pas peu surpris de voir ces étrangers : elle s’enfonça bravement dans les terres et s’occupa de faire des échanges avec les naturels. C’est à quoi servit la pacotille fort bien fournie des objets que pouvait offrir l’Égypte à ces peuplades ignorantes, peu avancées dans les voies de la civilisation : les colliers, les verroteries semblent avoir joué, alors comme aujourd’hui, un rôle prépondérant dans ces échanges primitifs. Les envoyés égyptiens inviteront même les chefs du pays à une fête où on leur servit « du pain, de la bière, du vin, de la viande, des fruits et toutes les bonnes choses d’Égypte ». Les naturels accourus à cette fête se réunirent près d’une grande tente dans laquelle ils craignaient d’entrer : « Comment êtes-vous arrivés en cette terre inconnue aux hommes d’Égypte ? Etes-vous