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avait plus rien à attendre d’organismes militaires et politiques en proie au vertige des grandes catastrophes !

Les craintes du grand état-major prussien avaient été si vives qu’en outre des formations de réserve, dont la solidité semblait insuffisante, il avait maintenu plusieurs semaines sur le littoral de la Baltique et dans l’isthme Holsteinois soixante mille hommes de ses meilleures troupes de première ligne, le 2e corps (Poméranie) et deux divisions détachées qui constituèrent plus tard le noyau de l’armée du grand-duc de Mecklembourg. Fait remarquable et significatif, le 2e corps, appelé sur le théâtre principal des opérations lorsque l’on fut assuré que la France renonçait à rien tenter dans la péninsule Cimbrique, atteignit l’armée allemande le soir de la bataille de Saint-Privat et fut lancé aussitôt par le général de Moltke à l’assaut de la gauche française, établie sur la forte position du Point-du-Jour. L’attaque, aussi vaillamment reçue que vaillamment conduite, ne réussit pas. Mais la solidité des Poméraniens après leur échec ne permit pas à notre gauche de compléter un succès qui eût balancé la glorieuse défaite de notre droite à Saint-Privat même.

On ne rendrait pas justice à la prudence politique, non plus qu’à la fermeté du sens militaire de nos vainqueurs, si l’on pensait qu’éblouis de leur triomphe ils eussent oublié les appréhensions que leur avait fait concevoir au début de la guerre ce point faible de leur cuirasse, cette ouverture béante au nord, dans le flanc de leurs lignes naturelles d’opérations. Dans les années qui suivirent la campagne de France, une série de mesures intéressantes furent prises pour parer autant que possible, en cas de nouveau conflit, un coup que l’on continuait à considérer comme dangereux. Le développement de la marine allemande, qui a pris depuis un caractère offensif, fut poursuivi à cette époque avec l’objectif bien marqué d’assurer la défense des débouchés de la mer Baltique — les types adoptés alors en font foi. Les forts extérieurs de Kiel furent entrepris ; Sonderbourg-Düppel, déclassé d’abord, fut maintenu comme point d’appui des opérations éventuelles dans le Sundewitt et l’île d’Alsen ; Rendsburg devint un dépôt très important de matériel d’artillerie et de génie ; Altona — le Hambourg prussien, la cité-sœur, mais aussi la cité rivale de la grande ville hanséatique, — fut désignée comme centre du commandement du 9e corps et vit s’accumuler dans ses immenses gares militaires des milliers de locomotives et, de wagons. Nous avons dit déjà ce que l’on lit pour les chemins de fer : quatre lignes plus ou moins bifurquées remontent au nord, convergeant vers Flensburg, la ville principale du Schleswig, et la ligne centrale est à double voie,