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de guerre surtout, ils entretiendront la profondeur nécessaire pour le passage des grandes unités. Quant aux courbes à faible rayon, il est entendu déjà qu’on les rectifiera ou que l’on agrandira sur leur parcours la section transversale de la cuvette. Ce sera sans doute un assez grand travail et qui durera quelques mois, mais tout le monde sait bien qu’un canal inauguré n’est pas un canal achevé.

Répondons par conséquent par une affirmation nette à la question posée tout à l’heure : oui, tous les bâtimens de guerre allemands pourront circuler dans le canal maritime, en 1896, sans courir de risque trop marqué. Et à qui nous reprocherait de faire ainsi la part belle à la marine impériale nous rappellerions ce sage principe que, en appréciant la portée des desseins stratégiques de l’adversaire, il convient de le supposer en possession normale des moyens par lesquels il compte lui-même assurer l’exécution de ses plans.

Cela posé, quel est « l’ordre de bataille » de la flotte allemande, ou du moins quels en seraient les élémens actifs, abstraction faite des navires trop démodés ou de ceux que l’on destine à la défense locale de tel ou tel port ?

21 cuirassés de types très variés, mais tous susceptibles de combattre en haute mer ;

10 croiseurs de 2 000 à 0 000 tonnes et de 16 à 22 nœuds de vitesse ;

18 éclaireurs légers (avisos torpilleurs compris), filant de 16 à 26 nœuds ;

96 torpilleurs de haute mer, de 85 à 125 tonneaux, voilà ce que nous montrent les relevés officiels. Mais il y a lieu de faire tout de suite de sérieuses réserves. A la mer comme à terre la différence est grande des effectifs sur le papier et de ceux qui se présentent réellement sur le champ de bataille. D’ailleurs, parmi les bâtimens que nous venons d’énumérer, quelques-uns sont employés déjà ou seraient employés, en cas de guerre, dans les mers lointaines. Enfin on peut affirmer sans trop de témérité qu’il n’entrerait dans les vues de l’amirauté allemande ni de faire sortir de la Baltique certaines unités de combat à qui leur mode de construction ne permet guère d’affronter les longues houles de l’ouest ni de démunir le Deutsch bucht, le fond de la mer du Nord, de certains élémens de défense rapprochée dont la présence serait indispensable pour assurer la liberté des atterrages si importans de l’Elbe et du Weser.

Ainsi, d’éliminations en éliminations, on tombe aisément aux chiffres que voici :