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des bals qui se prolongent fort avant dans la nuit. Les personnes tranquilles ont soin de fuir ces demeures trop bruyantes et vont se loger dans des maisons plus calmes ; mais le spectacle de ce mouvement gracieux et élégant, la participation indirecte à cette existence joyeuse, sont une distraction pour les malades et les aident à oublier leur souffrance.

Les hommes fatigués par les travaux de cabinet ont autant besoin de distractions que de repos ; ils s’ennuieraient à mourir dans la campagne la plus fleurie, parce que l’inaction absolue est intolérable pour les hommes habitués à la vie de labeur intellectuel. Ceux-là se trouvent très bien du séjour des eaux, lorsqu’ils n’en prennent que la partie hygiénique, c’est-à-dire les promenades et les excursions en agréable compagnie, les repas sobres et réguliers, les distractions paisibles du soir suivies d’une longue nuit de sommeil qu’on peut se procurer aisément en évitant les hôtels à grand tapage.

Dans ces conditions, pour retirer d’une saison passée dans une station thermale tout le bénéfice désirable, il y a trois conditions à remplir : la première c’est de n’y emporter aucune préoccupation, aucun souci sérieux ; la seconde, de ne s’y livrer à aucun travail intellectuel. La conversation, la lecture des journaux, des revues et des romans doivent suffire pour occuper la pensée. Il faut savoir se contenter de la littérature de casino. La troisième condition enfin, c’est de ne pas suivre de traitement thermal quand on n’est pas malade. Il ne faut pas oublier que les eaux minérales sont des médicamens et qu’on ne se drogue pas impunément quand on se porte bien. Il n’est pas indifférent d’ingurgiter chaque jour un litre d’eau contenant de 7 à 8 grammes de matériaux salins, comme celles de Vichy ou de Vals, de se plonger dans des bains sulfureux, ou de se faire donner des douches. On ne traite ni le mal passé, ni le mal à venir. Les personnes qui, se trouvant aux eaux thermales pour accompagner quelqu’un des leurs, veulent en profiter pour faire une cure afin de prévenir quelque maladie dont elles se croient menacées, celles-là font un mauvais calcul et s’exposent à compromettre leur santé au lieu de l’affermir.


JULES ROCHARD.