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Voici les deux articles qui contiennent tout le traité. Nous les reproduisons dans leur texte, parce que, ici, chaque mot a sa valeur :


Art. 1er. — Si, contrairement à ce qu’il y a lieu d’espérer, et contrairement au sincère désir des deux hautes parties contractantes, l’un des deux empires venait à être attaqué par la Russie, les deux hautes parties contractantes sont tenues de se prêter réciproquement secours avec la totalité de la puissance militaire de leur empire, et, par suite, de ne conclure la paix que conjointement et d’accord.

Art. 2. — Si l’une des deux hautes parties contractantes venait à être attaquée par une autre puissance, l’autre haute partie contractante s’engage, par le présent acte, non seulement à ne pas soutenir l’agresseur contre son haut allié, mais, tout au moins, à observer une neutralité bienveillante à l’égard de la partie contractante.

Si toutefois, dans le cas précité, la puissance attaquante était soutenue par la Russie, soit sous forme de coopération active, soit par des mesures militaires qui menaceraient la puissance attaquée, alors l’obligation d’assistance réciproque avec toutes les forces militaires, obligation stipulée dans l’article premier de ce traité, entrerait immédiatement en vigueur, et les opérations de guerre des deux hautes parties contractantes seraient aussi, dans cette circonstance, conduites conjointement jusqu’à la conclusion de la paix.


Tel est ce traité, le seul lambeau que nous connaissions de l’édifice diplomatique de la Triple-Alliance, mais qui ouvre quelque jour sur le reste. Les géologues complètent le tout d’après la partie, conformément à une logique qui n’est pas exclusivement propre à l’objet de leurs études, et à laquelle obéissent aussi les œuvres humaines lorsqu’elles proviennent d’une pensée puissante, dont la justesse a été maintes fois éprouvée. L’imagination qui reconstitue n’est pas interdite aux diplomates, voire la rêverie, — en prenant le mot dans le sens de Maurice de Saxe lorsqu’il écrivait ses Rêveries militaires, — et qui sait sien changeant quelques noms de pays pour leur en substituer d’autres, nous n’avons pas, dans le texte que nous venons de citer, le moule où d’autres arrangemens encore ont été jetés ? M. de Bismarck, comme tous les grands esprits pratiques, a toujours eu des conceptions simples et il les a réalisées par des moyens également simples et directs. Il a beaucoup répété que la Triple-Alliance n’avait qu’un but défensif : on ne saurait nier que tel ne soit strictement le caractère du traité de 1879, mais cette défensive prise avec tant de soin et nominalement contre la Russie, ainsi que la publicité tapageuse qui a été donnée neuf années plus tard à une précaution d’abord si discrète, ont dû faire naître, chez les intéressés, des réflexions bien naturelles. Et c’est à cela sans doute qu’il faut attribuer, au moins en partie, certaines autres combinaisons qui se sont produites plus tard.

Ce qu’elles sont, nous ne saurions le dire : mais si, au moment où elles ont été arrêtées, les interpellateurs de lundi dernier avaient été encore au pouvoir, elles auraient sensiblement différé du modèle que