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REVUE LITTÉRAIRE

LES ROMANS DE J.-H. ROSNY

Transportons-nous à quelques années en avant… Les tendances qui commencent à se faire jour en matière d’éducation ont définitivement triomphé. Les lettres ont été enfin bannies de l’enseignement. L’étude des langues mortes a été délaissée par une société qui n’a pas de temps à perdre. La Littérature classique a été répudiée par ceux-là mêmes qui avaient eu jadis pour mission d’y initier la jeunesse. L’Université a réalisé son désir d’être moderne. Elle s’est réformée suivant les vues des penseurs du Conseil municipal. Elle marche avec son temps. On a allégé le présent des lourdes entraves que lui mettaient les traditions du passé. Pour tout ce qui est de l’art ou de la littérature, les jeunes générations entrent dans un monde où leur regard n’est plus attristé par les vestiges de choses anciennes : tout y date d’hier. Ce n’est pas d’ailleurs que les temps soient venus de l’ignorance. Bien au contraire. Les hommes n’avaient jamais été si savans. Ils savent tout, depuis le collège. Les programmes sont plus chargés qu’à l’époque où on craignait déjà de les voir craquer sous la charge. On y a inscrit toutes les sciences, car il n’est pas de science inutile. Chaque année ils s’enflent au prorata des découvertes nouvelles. Le cerveau de tout citoyen français est pareil à une encyclopédie : c’est un répertoire de formules, un magasin de notions positives. L’humanité a franchi une importante étape. Elle entre toutes voiles déployées dans l’ère positiviste et utilitaire, franchement démocratique et résolument scientifique… Dans une société ainsi constituée sur ses véritables bases. Continuera-t-on à faire des livres ? Cela est à craindre, car la perfection est un idéal vers lequel les pauvres hommes peuvent bien tendre de tout leur effort, ils n’y atteindront jamais. La vanité littéraire a encore devant elle un bel avenir. Que seront les livres qu’on écrira dans ce temps voisin du nôtre ? Supposons des