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montagneux appelé Porte de Tamerlan, au sud de Djizak, et enfin la traversée monotone et aride du désert de Mourza-Habal, appelé aussi Steppe de la Faim, nom qui lui a été donné en souvenir des souffrances qu’ont eu à y subir des corps expéditionnaires. Ce nom lui est commun avec une autre steppe, située plus au nord, dans le Turkestan septentrional, et qui doit cette dénomination à la même cause.

La physionomie des paysages de tout le Turkestan est singulièrement monotone. D’immenses plaines, poudreuses et nues, où la végétation ne se montre que pendant quelques semaines, au printemps de chaque année, s’étendent à perle de vue dans les intervalles qui séparent les énormes chaînes de montagnes, Apres et démesurées, dont les noms mêmes sont presque inconnus en Europe, et qui couvrent des espaces considérables. Dans ces steppes argileuses, entrecoupées de déserts de sable, viennent se perdre de grandes rivières dont les eaux, comme épuisées par un trajet sans but et sans limites, finissent par s’évaporer dans des lacs salés, ou, quelquefois, sont utilisées pour donner la vie à de vastes oasis, bien moins belles que celles d’Afrique, mais bien plus étendues, et où se sont parfois développées de très grandes villes, jouant un rôle important dans le commerce du monde.


…A Tachkent eut lieu, aux mois d’août et septembre 1890, à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la prise de la ville par les Russes, une exposition fort, intéressante, à laquelle j’assistai. Elle avait pour but de résumer les résultats de tous genres obtenus par les Russes, depuis le début de la conquête, dans leurs nouvelles possessions du Turkestan. On s’y était proposé aussi de réunir et de mettre en évidence les produits naturels du pays et ceux de l’industrie des indigènes. Enfin, en dehors même du Turkestan russe, cette exposition centralisait tous les documens statistiques recueillis jusque-là par les Européens sur la partie centrale du continent asiatique. On conçoit combien une pareille exposition était intéressante pour ceux qui avaient choisi cette région comme cadre de leurs études. J’y trouvai d’utiles élémens pour la suite de mon voyage dans des localités plus lointaines. Quant au bienveillant accueil des autorités russes, je ne saurais en dire assez île bien.

Tachkent est aujourd’hui la capitale du Turkestan russe. Elle se trouve au milieu d’une oasis de 7 000 hectares, dont tous les jardins, clos de murs en terre, forment un labyrinthe et ne constituent en quelque sorte qu’une masse unique. A l’intérieur, la ville proprement dite se compose de deux parties : la ville indigène, qui compte environ 120 000 habitans ; et la ville russe qui