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tielles, on ne pourra se refusera convenir que l’hypothèse de son existence n’a aucun inconvénient, avec l’avantage de n’introduire dans les explications des phénomènes que des principes généraux et uniformes. »


V


L’air que les lèvres entr’ouvertes exhalent doucement a la tiède température qu’il a prise dans les poumons ; lorsque, au contraire, fortement comprimé, il s’échappe de la bouche en un souffle puissant, l’air est froid ; ces deux effets contraires, — est-il besoin de le dire ? — ont été remarqués de toute antiquité ; le passant, hôte du satyre, les mettait à profit :

L’un refroidit mon potage,
L’autre réchauffe mes doigts.

Le satyre se contentait de jeter hors de son antre cet être étrange

                      dont la bouche
Souffle le chaud et le froid.

Plus curieux que le satyre, les physiciens, au début du XIXe siècle, ont voulu se rendre compte du refroidissement qu’éprouve une masse d’air en se détendant ; par là, ils ont créé cette branche de science que nous nommons aujourd’hui la Thermodynamique.

L’observation qui a servi de point de départ à leurs recherches est due à Gullen ; lorsque, avec la machine pneumatique, on fait le vide dans un récipient, l’air, raréfié, se refroidit ; Cullen, et Nollet, après lui, attribuèrent ce phénomène à l’humidité de l’appareil où il se manifeste et le regardèrent comme le froid produit par l’évaporation de l’eau; Lambert, dans sa Pyrométrie, le considéra le premier comme un effet propre de la détente de l’air ; de Saussure, dans son Hygrométrie, accepta l’opinion de Lambert, et l’appuya de preuves expérimentales ; il montra qu’en dilatant par la pompe pneumatique de l’air desséché par la potasse, au sein duquel l’hygromètre marque le plus haut degré de sécheresse, on obtient encore l’abaissement de température signalé par Cullen. « Mais ces physiciens, écrivent Desormes et Clément, tout habiles qu’ils étaient, ne soupçonnaient guère, sans doute, toute l’importance de la petite observation de Cullen. Il était réservé à Dalton d’attirer l’attention sur ce phénomène par des remarques d’une grande finesse. »