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mais rien ne prouve qu’il faille lui en fournir cinq fois plus. Lorsque, dit Musschenbrœck, les corps qui forment un thermomètre « viennent à être dilatés par une certaine quantité de feu, nous ignorons si une double quantité de feu les dilate deux fois davantage… Par conséquent, le thermomètre nous peut seulement faire voir si le mercure se raréfie plus ou moins par le moyen d’un peu plus ou moins de feu ; il ne nous fait voir en effet rien davantage, et nous ne devons rien en conclure de plus. » Réaumur n’est pas moins net dans l’affirmation de cette vérité : « Chacun des degrés égaux en étendue dans deux thermomètres, et peut-être dans le même, marquera bien un degré égal de la dilatation de l’esprit-de-vin, mais non pas un degré égal de chaleur. Il n’est pas sûr que la chaleur, toujours augmentée par degrés égaux, produise dans l’esprit-de-vin des augmentations égales de volume... Deux thermomètres où l’esprit-de-vin sera inégalement élevé marqueront seulement que l’un aura reçu un certain nombre de degrés de chaleur plus que l’autre, mais non pas quel sera le rapport de ces différens degrés entre eux. »

La détermination de la quantité de chaleur qu’il faut fournir à un pied cube de matière pour le porter d’un degré thermométrique à un autre demeure cependant la connaissance qu’il est le plus essentiel d’acquérir si l’on veut, avec Descartes, réduire l’étude de la chaleur à l’arithmétique universelle. « M. de Réaumur, dit l’Histoire de l’Académie pour l’année 1730, ne croit pas qu’on puisse arriver à cette connaissance exacte, tant il est arrêté qu’il restera toujours beaucoup d’obscurités dans nos lumières. »


III


La solution que Réaumur désespérait de trouver était, cependant, fort aisée à découvrir ; Black et Grawford la donnèrent quelque quarante ans plus tard.

Pour élever la température d’une livre d’eau depuis le point de fusion de la glace jusqu’au point que le thermomètre centigrade marque 1°, il faut accroître d’une quantité bien déterminée la chaleur que renfermait cette livre d’eau à 0°. Cette quantité invariable peut nous servir d’étalon dans la mesure des quantités de chaleur, d’unité de chaleur. Pour porter, de la température 0° à la température 1°, deux, trois quatre livres d’eau, il faudra leur communiquer deux, trois, quatre unités de chaleur ; au contraire, lorsque une, deux, trois livres d’eau se refroidissent de 1° à 0°, elles perdent une quantité de chaleur égale à une, deux, trois unités.