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Fahrenheit, fournissait aux chimistes des thermomètres à alcool qu’il remplaça en 1720 par des thermomètres à mercure ; ces divers thermomètres donnaient des indications très concordantes entre elles. Au dire du chimiste Woolf, Fahrenheit se vantait de pouvoir construire un thermomètre comparable à ceux qu’il avait déjà faits, en quelque lieu que ce fût, et sans avoir sous les yeux aucun instrument précédemment sorti de ses mains ; mais des raisons particulières l’empêchaient de divulguer le procédé qui lui permettait d’obtenir une telle concordance. Ce procédé, que les conseils de l’astronome Rœmer l’avaient aidé à fixer, n’était que la méthode imaginée par Dalencé ; mais Fahrenheit prenait pour point de repère inférieur la température d’un mélange de glace et de muriate d’ammoniaque,— c’était, croyait-on alors, le plus grand froid qui se pût obtenir, — et, pour point de repère supérieur, la température du corps humain.

Enfin, en 1742, le Suédois André Celsius proposa de reprendre la méthode de Renaldini et de diviser en cent degrés l’intervalle qu’un thermomètre à mercure parcourt entre la température de la glace fondante et la température de l’eau bouillante ; il marquait la première température du chiffre 100 et la seconde du chiffre 0 ; Linné, renversant cet ordre, acheva de donner au thermomètre à mercure la forme sous laquelle nous le connaissons.

Construits avec du mercure pur et avec un verre de nature constante, tous les thermomètres centigrades donnent des indications comparables ; si, au mercure, on substitue un autre liquide ; si l’on change le verre qui sert à former l’ampoule et la tige du thermomètre, on obtiendra des instrumens qui, dans une même enceinte uniformément chauffée, ne donneront pas exactement les mêmes indications ; toutefois, ils marqueront le même nombre de degrés lorsqu’ils seront plongés dans la glace fondante — ils marqueront tous 0° — ou lorsqu’ils seront entourés par la vapeur qu’émet l’eau en bouillant sous la pression de l’atmosphère — ils marqueront tous 100°. Entre ces deux températures, où tout écart doit disparaître, cet écart ne pourra pas, en général, prendre une valeur notable; au moins entre ces limites, tous les thermomètres seront à peu près comparables.

L’idée d’André Celsius est le point de départ de la thermométrie moderne. Cette idée, sans doute, s’est développée, et il y a loin du thermomètre centigrade dont usait le physicien d’Upsal aux instrumens minutieusement précis que construisent aujourd’hui d’habiles spécialistes ; mais, tout en se développant, elle est demeurée identique à elle-même, au moins dans ses traits essentiels.