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assez étirée, sous l’influence de la chaleur, durant le travail latent qui s’est opéré entre ses molécules, on la dresse, les moules lui donnent sa forme définitive, et elle est admise dans la chambre de refroidissement.


V

Au sortir de la chocolaterie, changement de tableau : nous tombons dans la fabrique de conserves. Entre deux murailles de haricots et de petits pois, maçonnées de boîtes cylindriques qui lient le plancher au plafond et bornent de toutes parts cet horizon de légumes, nous arrivons à l’atelier où 6 à 700 000 récipiens de fer-blanc sont annuellement remplis. Ici, une machine se charge d’écosser automatiquement les pois ; là, des appareils ont pour mission de sertira froid les couvercles métalliques, — scellement rapide et perfectionné qui remplace l’ancien système des bouchons et des soudures ; — plus loin, dans des chaudières autoclaves en forme d’armoires, se fait la cuisson en boîtes. D’autres vases en métal servent à contenir les extraits de viande, expédiés en gros barils de Russie ou d’Amérique.

Les manipulations se succèdent indéfiniment de salle en salle ; les bocaux de verre, alignés, se remplissent de cornichons ou de pickles, amenés des sous-sols dans des fûts en bois. Des moulins traitent la graine de moutarde, épurée, puis lavée et tamisée. Selon que la farine demeure unie au son, ou en est exactement séparée, l’ouvrier donne à ce condiment une saveur tantôt douce, tantôt forte et suffisante pour tirer des larmes de l’œil le plus sec. D’autres moulins travaillent le tapioca — que l’Allemagne contrefait maintenant avec des fécules — mais qui provient exclusivement, lorsqu’il est sincère, de la racine de manioc. Cette racine renferme, à l’état frais, un liquide assez vénéneux, paraît-il, dont on la purge par la dessiccation. Râpée ensuite, elle nous est expédiée par les Indes ou le Brésil. De la Nouvelle-Calédonie fut importé en France, mais pendant un ou deux ans seulement, le plus beau tapioca que l’on ait vu. Passé d’abord au four, ce produit est amené, par une succession d’engrenages, à une échelle graduée de grosseur.

À leur arrivée de Canton ou de Bombay, les thés, dont la maison débite 60 000 kilos par an, sont emmagasinés aux étages supérieurs, puis dosés délicatement au goût français, qui ne les supporterait pas isolément. Les Orientaux ne boivent que des thés non composés ; aux palais européens l’infusion jaune pâle du pé-ko rappellerait trop une tasse de tilleul pour qu’ils en fassent le même cas que les Célestes.