Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 129.djvu/792

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce sont Dakar, Fort-de-France, Saint-Pierre de Terre-Neuve : Dakar, trop enfoncé au sud, mais qui serait fort utile pour les croiseurs chargés d’intercepter les arrivages de l’Amérique et de l’Afrique méridionale ; Fort-de-France, qui commande bien la mer des Antilles et le canal de Bahama, mais qui reste trop loin dans le sud-ouest du théâtre d’opérations des croiseurs de l’Atlantique nord ; Saint-Pierre enfin, beaucoup mieux placé sans doute, comme nous l’avons déjà remarqué, mais qui est vraiment aussi trop près des établissemens anglais, trop surveillé, trop faible, et exposé aux premiers coups.

Une position admirable est celle de l’île Florès, la plus occidentale du groupe des Açores. Que n’avons-nous profité de nos démêlés financiers avec le Portugal pour en faire l’acquisition à l’amiable et y fonder un établissement analogue à celui des Bermudes ? — On dira peut-être que rien n’empêche de faire du charbon tout près de là, à San Miguel, à Punta Delgada, le Portugal devant rester neutre dans le conflit qui nous occupe. Ceci n’est point certain. Ce qui l’est, en revanche, c’est que l’amirauté anglaise se hâtera d’accaparer les stocks relativement médiocres de ces deux relâches, soit en les achetant à n’importe quel prix, dès le début des opérations, soit en les faisant enlever par une succession ininterrompue de croiseurs et de paquebots armés en guerre. Soyons convaincus qu’à des adversaires aussi prévoyans, aussi actifs, aussi riches et d’ailleurs peu scrupuleux, tous les moyens seront bons pour paralyser nos croisières, en attendant qu’ils puissent envelopper et détruire nos croiseurs.

Envelopper nos croiseurs ! Ce ne leur serait que trop facile, si ceux-ci commettaient la faute d’aller se ravitailler aux Açores. Les Anglais n’ont-ils pas mis la main sur les câbles qui relient à l’Europe cet archipel si important au point de vue stratégique, et les voix les plus autorisées n’ont-elles pas signalé déjà au Parlement français les inévitables conséquences du plus complet oubli des intérêts supérieurs de la nation ?

Ainsi, la terre leur étant fermée, nos croiseurs resteront à la mer le plus longtemps possible. Or ceci exige : d’abord qu’ils emmagasinent dans leurs flancs des réserves considérables de combustible, d’eau douce et de vivres, ensuite que cet approvisionnement soit renouvelé au moyen de paquebots ravitailleurs qui se succéderont à certains rendez-vous, déterminés au préalable.

Notons tout de suite que ce service ne peut guère être confié qu’à des navires français, car, pour ne parler que du charbon, il est certain que l’ennemi déclarera contrebande de guerre tous les