Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 129.djvu/787

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déplacement permettrait d’emporter un approvisionnement de charbon considérable.

Le moment semble donc opportun pour introduire une classification rationnelle dans la nomenclature trop peu précise de nos navires de guerre, ou au moins de nos « bâtimens légers ». Ainsi limitée, l’entreprise ne laisse pas d’avoir encore un sérieux intérêt, puisque, sous la confusion des termes, en elle-même indifférente, se cache une fâcheuse confusion des rôles. S’il est vrai que ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, il faut regretter que des documens officiels ne fassent aucune distinction entre le navire destiné à guider les escadres pendant leurs courtes opérations dans des bassins maritimes voisins de nos côtes, et celui qui aura la mission de capturer les paquebots à mille lieues au large, réduit à ses seules ressources pendant des mois entiers.

C’est le départ exact des facultés de ces deux types, le croiseur et l’éclaireur, que nous essaierons de faire dans cette étude.


I. — LE CROISEUR

La capture des paquebots n’est pas, dès qu’elle devient un système, une opération aussi simple que d’aucuns seraient tentés de le croire. La stratégie, la tactique, la logistique même y interviennent.

La stratégie, dont les principes forment la base de toute méthode de guerre, intervient ici parce qu’il faut choisir judicieusement son théâtre d’opérations ; parce qu’il faut se créer une ligne de communications, ou se ménager des bases de ravitaillement intermédiaires.

La tactique, parce qu’il est nécessaire d’adopter certaines armes et d’en rejeter certaines autres ; parce qu’il faut user, pour la poursuite, de méthodes précises, déterminer le moment où il convient de la cesser, comme on a dû calculer s’il convenait de l’entreprendre ; parce qu’il est utile, enfin, d’employer quelques ruses, connues sans doute, mais dont le succès sera fréquent.

La logistique, parce qu’un croiseur doit emporter de fortes réserves d’équipages pour armer ses prises, et qu’il est essentiel d’assurer à un personnel si nombreux des locaux vastes, sains, bien aérés.

Voyons d’abord le côté stratégique ; de la question :

Le choix du théâtre d’opérations paraît d’abord tout indiqué. N’est-ce pas aux atterrages de leurs côtes nationales, ou aux environs de certains accidens géographiques voisins de ces