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étrangères plus riches qu’elle. La dépréciation du papier-monnaie a aggravé le change, qui par ses alternatives de hausse et de baisse inquiète le monde des affaires.

Le change s’est élevé l’année dernière jusqu’à 115, il se serait probablement élevé plus haut sans les dépenses considérables faites en Italie par les étrangers[1], les frais de transports des marchandises exportées et importées par la marine marchande italienne florissante, les frais d’assurance de ces marchandises, enfin les envois d’argent importans, mais impossibles à évaluer, des ouvriers italiens émigrés[2].

Dans ces derniers temps, le change est descendu aux environs de 104. Cette amélioration est probablement due en grande partie aux ventes de rentes faites à la suite de l’élévation des cours, par les Italiens sur le marché de Paris, qui s’est trouvé de ce fait débiteur de l’Italie.

La disparition de la monnaie métallique est la conséquence de la dépréciation du papier-monnaie et de la hausse du change. L’Italie subit une crise monétaire intense. Le gouvernement a essayé à diverses reprises, mais inutilement, d’empêcher le numéraire et surtout l’or de sortir de l’Italie ; un décret du 12 août 1883 ordonna aux banques dont les réserves ne comprenaient pas au minimum deux tiers en or et au maximum un tiers de leur total en argent, de les constituer dans ces proportions dans le délai de deux mois. Il a obtenu des États de l’Union latine de ne pas accepter la monnaie d’appoint italienne. La mise en circulation d’une partie des 200 millions d’or prêtés en 1894 par les banques à l’Etat a pu diminuer l’intensité de la crise monétaire, mais ce n’est là qu’un remède passager.

La disparition d’un grand nombre de banques, la pénurie et la défiance des capitaux maintiennent l’escompte à un taux constamment élevé, il est actuellement de 5 p. 100.

La rente a subi de nombreuses fluctuations depuis que la France a cessé d’être le banquier de l’Italie pour être le banquier de la Russie. En 1881 le cours de la rente 5 p. 100 était de 90,25[3] ; portée, en 1887 à 97,55, touchant à 87,86 en 1893, la rente est redescendue en janvier 1894 aux environs de 71, pour se relever aujourd’hui aux environs de 90.

  1. M. J. Clare, dans son livre sur le Change, évalue ces dépenses annuelles à 145 millions ; M. P. Leroy-Beaulieu, Traité des Finances, à beaucoup plus de 200 millions.
  2. Le denier de Saint-Pierre ne doit guère entrer en ligne de compte dans l’énumération des élémens qui servent de correctif au change, parce qu’il est fort peu important depuis quelques années et qu’une grande partie de ses fonds est affectée à des dépenses faites à l’étranger.
  3. Moyenne de l’année.