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financiers du gouvernement qui enleva aux provinces et aux communes, aux communes surtout, une partie de leurs recettes, et qui mit à leur charge de nombreuses dépenses d’État. Mais ce qui aggrava surtout le désarroi de ces finances ce fut l’incurie de l’autorité locale constatée par mainte enquête, et qui se traduisit par des pratiques vicieuses dans l’exécution des travaux de voirie et mitres travaux des grandes villes. Le défaut de tutelle administrative favorisa les abus et poussa les administrations locales aux dépenses excessives par la trop grande facilité de l’emprunt : affranchies du frein salutaire de l’autorisation préalable, les communes et les provinces ont pu longtemps, par des emprunts continuels, obérer leurs finances, sans rencontrer d’autre obstacle que la loi de 1870 qui limitait le chiffre des lots des emprunts communaux.

Lorsqu’on a vu de près le fonctionnement de la vie locale, on comprend que, s’il est bon de laisser aux localités l’initiative et la décision de leurs affaires, il faut réserver à l’autorité supérieure un pouvoir de tutelle qui les empêche de porter atteinte à l’intérêt général dont elles sont trop peu soucieuses. Les communes et les provinces italiennes n’auraient pas pu aussi aisément, par leurs prodigalités, contribuer à épuiser la matière imposable et à entraîner l’appauvrissement du pays si les emprunts locaux et notamment les emprunts des conseils municipaux, peu éclairés, avaient été soumis à l’approbation de l’autorité centrale, gardienne de l’intérêt général.

Le mauvais état des finances locales a fait comprendre enfin la nécessité d’assujettir les emprunts des provinces et des communes, sinon à l’autorisation expresse, du moins à des mesures restrictives qu’a prescrites la loi du 10 février 1889[1].

Les finances locales ne peuvent se ressentir encore de l’influence bienfaisante de cette loi nouvelle qui ne peut produire ses effets que pour l’avenir. Sous l’empire de la législation antérieure, les dépenses communales[2] ont suivi une marche progressive de 1875 à 1891. Elles ont passé[3] de 277 millions de lires à 390 millions, après avoir atteint 420 millions, en 1889,

  1. Par exemple elle interdit aux communes d’emprunter, si les intérêts des dettes antérieures et de l’emprunt projeté exigent une somme supérieure au cinquième des recettes ordinaires.
  2. Nous donnons le chiffre des dépenses, à défaut de comptes, d’après les prévisions budgétaires que nous avons seules en mains jusqu’en 1891.
  3. Dans ces chiffres, nous ne comprenons pas les dépenses inscrites au chapitre du mouvement des capitaux, c’est-à-dire les dépenses relatives aux intérêts et au remboursement des dettes qui ont monté de 95 à 133 millions, soit une augmentation de 40 pour 100.