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l’explication de ces sacrifices ; par l’obligation du service et le lien d’une forte discipline, elle a mis en contact journalier les populations les plus réfractaires à l’unité. C’est l’année qui a inculqué à toutes les couches de la société l’idée d’un grand État dont tous faisaient partie et leur a mis dans le cœur le sentiment de la patrie commune. L’armée a été comme le creuset où sont venus se fondre tous les élémens particularistes pour constituer la grande nationalité italienne.

Elle a eu une autre mission : elle a contribué au progrès de l’instruction nationale. Pour diminuer le nombre des illettrés, le législateur a décidé d’envoyer par anticipation dans leurs foyers les hommes qui prouveraient leur connaissance de la lecture et de l’écriture, et il adonné ainsi une vive impulsion à l’enseignement primaire.

Auxiliaire puissante de l’unité et du développement de l’instruction, l’armée italienne, à ce double titre, est devenue la véritable éducatrice du pays, l’institution vraiment nationale, essentiellement populaire et respectée de tous, planant au-dessus des luttes des partis.

Jamais on ne lui a marchandé les crédits. Déjà, en 1875, les dépenses de la guerre et de la marine s’élevaient au chiffre de 217 millions et demi de lires. En 1880, elles étaient de 245 millions. L’entrée de l’Italie dans la Triplice a été le signal d’une forte progression des dépenses de guerre. Si la conclusion du traité se lit sous le ministère ; Depretis, en 1882, elle avait été précédée d’une période de négociations durant laquelle l’Italie, en entente cordiale avec l’Allemagne, engagea des dépenses militaires importantes.

De 1881 à 1887, en sept années, les dépenses de la guerre et de la marine passèrent de 271 millions à 348 millions de lires. L’arrivée de M. Crispi à la présidence du Conseil, en 1887, provoque une recrudescence des dépenses militaires ; à la suite de la visite du premier ministre à M. de Bismarck au mois d’octobre de cette même année, les dépenses de la guerre et de la marine sont portées au chiffre de 438 millions 600 000 lires pour l’exercice 1887-1888. En 1889-1890, elles atteignent le chiffre le plus élevé : 480 millions 800 000 lires ; puis, sous la pression des déficits, elles diminuent, en moyenne, de 50 millions environ par année. De 1881 à 1893, depuis l’adhésion à la Triplice, la moyenne annuelle des dépenses de la guerre et de la marine a augmenté de 135 millions de lires par rapport à la moyenne des dépenses de même nature de 1875 à 1880, soit une augmentation moyenne de 57 pour 100 durant cette période.