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HALTE AU CRÉPUSCULE


LA PREMIÈRE SŒUR.


Obscur est le chemin, arides sont les landes
Et sombres les forêts ; Sœurs, ne sentez-vous pas
En vos doigts alanguis s’alourdir les guirlandes
Qui tombent sur la route où s’éloignent nos pas ?

LA DEUXIÈME SŒUR.


A l’aube de jadis nous vous avons cueillie,
Gerbe de fleurs d’amour ! gerbe de fleurs d’espoir
Qu’un frêle doigt d’enfant d’un fil fragile lie
Et qu’un vent automnal disperse en l’air du soir !

LA TROISIÈME SŒUR.


O jeunes fronts pâlis par d’anciennes années,
Portez-vous le fardeau de printemps ignorés ?
Etes-vous lourds d’un poids de floraisons fanées
Pour vous pencher ainsi, las et désespérés ?

LA PREMIÈRE SŒUR.


Le lys intérieur qui parfumait ma vie
Effeuille la candeur d’un calice argenté ;
Sa corolle ineffable en moi s’est défleurie
Et fa fleur sombre s’ouvre en mon cœur attristé.

LA DEUXIÈME SŒUR.


Combien d’avrils sont morts dans nos âmes moroses
Et d’oiseaux envolés que nous avons aimés !
Du funèbre parfum des expirantes roses
Nos cœurs sont pour toujours tristement embaumés.