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O bosquet ! ô charmille ! ô grand bois enchanté !
Pour avoir respiré l’harmonieux arôme
Des pins éoliens où vibre un vent d’été,
Au fond du cœur joyeux ou du cœur attristé
Chante éternellement votre voix qui l’embaume.

Vous pouvez vous flétrir, fleurs de l’aube et du soir,
Et l’ombre des jours morts peut errer sous les ombres
Des bois abandonnés et muets ; on peut voir
Le grand vol destructeur irrésistible et noir
Planer sinistrement sur les mornes décombres ;

J’ai bâti dans mon âme un cloître hospitalier,
Et pour qu’aux jours futurs l’heureux passé sourie,
De ses divines mains mon rêve familier
Suspend pieusement à son premier pilier
Une blanche couronne à tout jamais fleurie !


LE VENT PLUS TRISTE…


Le vent plus triste encor de défleurir les tombes,
A dispersé le vol des candides colombes
Dont l’essor tournoyant n’argente plus l’azur.
Comme la nuit fut longue ! et que l’air fut obscur
Sans le palpitement des invisibles ailes !
Comme mon jeune cœur se sentit seul sans elles !
Ah ! sur les grands rosiers du jardin matinal,
Reverrai-je posé leur blanc vol virginal ?
De mon âme d’enfant les trop mornes pensées
Seront-elles par l’aube à jamais effacées,
Et d’avoir effleuré les fleurs d’un heureux jour
Le vent sera-t-il pur tel qu’un parfum d’amour ?
Doux oiseaux de jadis, reviendrez-vous encore ?…
Mais je vois dans le ciel empourpré par l’aurore,
Au lieu du cher retour de mes légers espoirs,
Planer, assombrissant les fleurs, des cygnes noirs !