Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 129.djvu/672

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la plus grande dimension des Poussin et des Lorrain, comme on le fait encore, assez fréquemment, aux Champs-Elysées. Aller au-delà, n’est que présomption ou folie. Les études les plus serrées et les plus complètes, comme celles, par exemple de M. Zuber (Dormoir du pâturage, à Winckel), de M. Émile Michel (la Forêt en automne), de M. Pierre Ballue (Vieux noyers dans le ravin de Rezens), de M. Simonnet (Lever de lune et les Foins) ne dépassent point ces mesures et semblent bien assez grandes. Lorsque le paysage devient décoratif, comme ceux de M. Leliepvre, ou qu’il s’emplit d’animaux robustes et bien vivans, comme ceux de MM. Barillot (Embarquement de bestiaux), Vuillefroy, Vayson, Marais, etc., il va de soi qu’il peut s’étendre, mais pas trop cependant. Un maître, un vrai maître, M. Vollon, nous montre une fois de plus ce qu’un peintre d’œil sensible et de main exercée peut.renfermer de sensations vives et fines, de joie pour la vue, de calme pour l’esprit, dans un tout petit cadre. Son Intérieur de l’église de Saint-Prix, qui fait penser, aux meilleurs peintres hollandais d’architecture, à E. de Witte et à Hœckgeest, avec un grouillement coloré de figurines tout français et tout moderne, est une œuvre hors ligne, ainsi que son Coin de cuisine. Tant il est vrai que la bonne peinture transfigure et idéalise tout, même un pot de terre !


III

Les peintres étrangers, nous l’avons dit, abondent dans les deux Salons. On en compte, aux Champs-Elysées, 300 sur 1 453 exposans, au Champ-de-Mars, 165 sur 420 ; soit un quart, pour l’ensemble. Si l’on appliquait aux Salons annuels la méthode de classement qu’on réclame, avec raison, pour les musées, on pourrait former, d’ores et déjà, des salles séparées poulies écoles diverses. On s’y rendrait compte ainsi du rôle que chaque nation remplit vis-à-vis de nous, on verrait ce qu’elle nous apporte ou ce qu’elle nous emporte, si nous sommes ses créanciers ou ses débiteurs. Parmi ces quatre ou cinq cents étrangers, il en est sans doute qui sont ici à l’école, chez nos maîtres en renom, ou qui viennent d’en sortir, il en est qui ont élu domicile à Paris et travaillent dans la manière parisienne ; il en est beaucoup d’autres aussi qui résident dans leurs pays, ne nous doivent rien ou ne veulent plus rien nous devoir. Ce sont ces derniers qui apportent leur façon locale ou personnelle de comprendre les choses, leurs techniques traditionnelles ou originales, et qui, par conséquent, exercent, autour d’eux, une action plus ou moins immédiate et féconde.