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Les mérites particuliers de la frise de M. Henri Martin y éclatent d’autant mieux qu’elle se trouve voisine de deux autres décorations disposées de la même manière, au-dessus de plusieurs portes, par MM. Pierre Vauthier et Bonis. Il n’y a pas à discuter les sujets choisis, car les deux artistes en ont tiré bon parti pour la présentation et pour l’ordonnance. M. Vauthier a représenté, pour une salle de la mairie de Bagnolet, toute une population de banlieue en liesse, le jour du couronnement de la rosière, M. Bonis, pour une autre salle municipale, des Coureurs et des Lutteurs symbolisant les Exercices physiques. Là, des costumes du jour, des types populaires, de l’agitation familière ; ici, des draperies antiques, des nudités héroïques, des mouvemens sculpturaux. Des deux côtés, un sentiment juste de l’harmonie colorée et de la liaison des figures avec le paysage. Des deux côtés aussi, par malheur, la même obéissance au préjugé courant, c’est-à-dire une atténuation systématique des nuances et des formes qui supprime, dans la fête, toute la gaieté et l’éclat de couleurs, (qu’on y cherche, dans la course et la lutte, toute la vigueur et le caractère de dessin qu’on y devrait trouver. La toile est triste qui devrait être joyeuse, et languissante et maladive celle qui devrait exprimer la santé et la force.

Il faut-être reconnaissons à MM. Roll et Lhermitte de n’avoir jamais donné dans ce culte à la mode de l’anémie et de la chlorose auquel peuvent sacrifier, sans qu’on s’en étonne, quelques grands prêtres ou petits clercs d’un dilettantisme plus littéraire que pittoresque mais qu’on est toujours surpris de voir pratiqué par des peintres de mœurs contemporaines, par ceux que leur métier même tient en rapports étroits et constans avec les réalités solides et éclatantes de la nature et de la vie. Tous deux en trouvent la récompense dans le progrès constant qui marque leurs grandes œuvres. L’imagination peut n’être qu’à moitié satisfaite de la conception très spéciale et quelque peu sensuelle, par laquelle M. Roll entend exprimer certaines Joies de la vie, celles que donnent les Femmes, les Fleurs, la Musique. On pouvait s’attendre à ce que ces joies fussent exprimées, d’une façon ou d’une autre, par un spectacle nettement idéal, ou par un spectacle franchement réel. M. Roll en juxtaposant, dans un bois de la banlieue, plusieurs baigneuses nues, Dryades ou Bacchantes, qui se roulent dans les herbes, et un trio de musiciens en habits noirs, qui jouent mélancoliquement quelque valse à la mode, au son de laquelle trépignent, dans le lointain, en rondes folles, des Parisiens et des Parisiennes endimanchés, s’est mis en présence d’extraordinaires difficultés. Ce n’est pas que l’accord de figures nues et de figures costumées, antiques et modernes, allégoriques