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17 000 dans celle de Vitoria, qui n’a pas le double d’habitans ?

Quelque avis que l’on professe donc sur l’importation en France des courses de taureaux, — le mien est simplement que la France fera bien de continuer à jouer aux boules, — il faut reconnaître que la corrida n’est pas près de disparaître en Espagne, et que les Espagnols sont merveilleusement « nés » pour ce jeu-là.

Cette considération, l’attrait de paysages nouveaux, le désir d’étudier de près et sur place le système d’élevage, infiniment moins connu, chez nous, que la suite scénique des courses de taureaux, me firent accepter avec empressement l’invitation d’un des propriétaires d’une ganaderia célèbre, D. Luis de Ybarra.

Nous partons de bonne heure, mon compagnon de route et moi, par le chemin de fer de Séville à Cadix, et nous nous arrêtons à une petite station située à vingt kilomètres, des Hermanas. Notre hôte nous attend sur le quai, et nous introduit aussitôt dans un parc planté d’eucalyptus, d’orangers, de fleurs de toute sorte, et au milieu duquel ont été bâties trois jolies maisons de campagne, la sienne et celles de deux de ses frères. Messieurs de Ybarra, — dont le père était de Bilbao, — ne sont pas seulement des éleveurs renommés : ils dirigent une banque ; ils ont de grands intérêts dans une compagnie de navigation de Séville à Bordeaux ; ils exploitent de vastes domaines, qui produisent en abondance des grains, des oranges et des olives. Nous admirons, dans un coin du jardin, un lot d’olives cueillies, déjà mises en baril, et dont il ne faut que soixante pour faire un kilogramme. Il paraît que tout à l’heure nous verrons les arbres qui produisent ces fruits exceptionnels.

La voiture est attelée, et au grand trot de quatre chevaux, nous traversons le bourg de des Hermanas, des rues très propres, bordées de maisons soigneusement peintes en blanc et en bleu clair, et dont la population a l’air tout particulièrement active et aisée. La route, assez plate, s’enfonce dans une région labourée, çà et là plantée d’oliviers en lignes ; nous la quittons bientôt, et l’attelage coupe au milieu des champs, vers le sud. Les roues creusent le sol, se relèvent, retombent, sans que le trot se ralentisse.

— Vos voitures de Paris ne résistent pas à ce régime, me dit M. de Ybarra ; j’en ai fait l’expérience : il nous faut un type d’une tout autre puissance… Nous ne sommes qu’au début, d’ailleurs, et vous verrez, plus loin, par où nous pouvons passer.

Après dix kilomètres, nous arrivons à la hacienda de Bujalmoro, un grand quadrilatère de murs, posé à découvert au