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responsabilité. Il a sauvé l’honneur financier de la Grèce, et la Grèce lui en a été reconnaissante.

Parlerons-nous du voyage que le nonce du Pape à Vienne, Mgr Agliardi, a fait en Hongrie, et où il ne paraît pas s’être conduit avec autant de circonspection que cela aurait été désirable ? Mgr Agliardi avait reçu, soit de Vienne, soit de Pest, toutes les autorisations et même tous les encouragemens à faire ce voyage ; mais on n’avait pas prévu qu’il en profiterait pour se prononcer publiquement contre les deux lois dites de laïcisation qui sont encore pendantes devant les Chambres. Inde iræ. Un nonce est un ambassadeur. Il ne doit avoir de rapports directs qu’avec le gouvernement auprès duquel il est accrédité, et lorsqu’il ne se conforme pas étroitement à cette règle, il s’expose à être accusé de se mêler des affaires intérieures d’un pays qui n’est pas le sien. Peuples fit gouvernemens sont très susceptibles au sujet des intrusions de ce genre. M. Banffy, président du conseil tranleithan, s’est plaint de l’attitude du nonce à M. le comte Kalnoky, et il a reçu de ce dernier une lettre où il a trouvé une adhésion explicite à ses propres sentimens, en même temps qu’une promesse de faire entendre à Rome les observations nécessaires. M. Banffy, qui ne paraît pas être diplomate, a cru pouvoir apporter toutes chaudes ces déclarations à la tribune, et annoncer, avant qu’elles fussent accomplies, les démarches que le comte Kalnoky se proposait de faire à Rome avec les ménagemens habituels en pareil cas. Le comte Kalnoky ne s’attendait évidemment pas à cette manière de casser les vitres : il en a éprouvé au premier abord un tel saisissement qu’il a publié dans un journal officieux une note sévère, désobligeante même pour M. Banffy, dont il désavouait le langage, en l’attribuant à l’inexpérience. La tempête que ces manifestations contraires ont provoquée a été des plus orageuses : il y a eu beaucoup de tonnerre et encore plus de nuages. On a parlé à la fois de la démission de M. Banffy et du comte Kalnoky, ce qui aurait été un double malheur, car M. Banffy vient à peine de prendre le pouvoir après une crise des plus difficiles, et le comte Kalnoky dirige les affaires extérieures de la monarchie, depuis de longues années déjà, avec des qualités qui lui ont valu la confiance de l’empereur et l’estime de l’Europe. Au fond, tout le monde avait des torts dans cette étrange affaire. Mais il faut convenir que rien n’est plus difficile que de faire marcher d’accord, sous un même souverain et avec un certain nombre de ministres communs, deux gouvernemens, sinon plus, qui ont chacun une politique différente. L’autorité personnelle de François-Joseph paraît avoir apaisé, au moins pour le moment, un conflit qui, du jour au lendemain, était devenu très aigu. Les deux ministres restent en fonctions : il est heureux cependant qu’ils soient séparés par la Leitha.

En Allemagne, après de longs mois d’ardente polémique, la loi sur