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que cette eau ne devienne la traînée qui généralisera en un instant le fléau.

En 1893, le nombre des pèlerins algériens et tunisiens débarqués à Djeddah a été de 9 085; et ceux qui ont été réembarqués à Yambo de 5 165. Les Algériens et les Tunisiens ont donc laissé au Hedjaz plus de 40 pour 100 des leurs. Encore les chiffres officiels de la mortalité de la Mecque et de Djeddah doivent-ils être majorés dans de fortes proportions, suivant un coefficient de 3, disent les uns, (disent les autres. Les rues de la Mecque et de Djeddah étaient, en 1893, littéralement couvertes de morts; on manquait de personnel pour les enlever; les maisons et même les coins de rue étaient encombrés par des malades pour lesquels il n’y avait ni médecins ni médicamens. Dans le désert qui entoure Djeddah, on trouvait des malades ; c’étaient des pèlerins qui étaient restés en arrière ou des malades que leurs compagnons de voyage avaient jetés à bas des chameaux. Ils étaient condamnés à languir au grand soleil sans nourriture et sans soins. Que leur importait, d’ailleurs, puisque tous ceux qui meurent au Hedjaz « montent directement au ciel et reposent ait milieu des jardins verdoyans dans les bras des houris » !

En 1894, l’encombrement a été beaucoup moins grand. Il n’est passé à Suez, venant du nord, que moins de 12 000 pèlerins ; il y en avait 43 000 en 1893. Les affréteurs n’ont pas fait de bonnes affaires : le prix du passage (aller) s’est abaissé jusqu’à 2 fr. 50 par tête (demi-talari), et il fallait voir avec quelle patience les pèlerins économes attendaient le dernier moment pour s’embarquer afin d’obtenir le rabais maximum. On regrettait beaucoup l’absence de nos Algériens, qui d’ordinaire sont assez riches et dépensent largement.


La commission d’assainissement de la Mecque, sous la présidence du haut commissaire ottoman, est formée du médecin de Médine, d’un médecin de la Mecque, du second médecin de Djeddah et du médecin musulman de Camaran. Une somme de 50 000 piastres (environ 11 500 francs) est mise par le gouvernement à la disposition de la commission qui doit, avec ces maigres ressources, nettoyer une ville de plus de 60 000 âmes, où se sont pressés en 1893 plus de 300 000 pèlerins, approprier la vallée de Mouna où se sont réunis 350 000 à 400 000 individus, et préparer les fosses où l’on enfouira les animaux sacrifiés, celles enfin où l’on enterre les pèlerins morts dont le nombre, prétend-on, a été en 1893 de 35 000.

La commission a donc une action presque nulle sur l’hygiène