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corridor sans portes, sans rideaux même; ils ne sont masqués que par l’obscurité du réduit. Les fosses, en maçonnerie, cimentées à la chaux hydraulique, sont généralement bien tenues; mais elles ne tardent pas à se remplir de matières liquides, qui, par une infiltration rapide, vont contaminer les citernes voisines. Cette infection est encore aidée par le mode de vidange. On fait un trou à côté de la fosse, on y jette les matières; on le referme, et tout est fini. Et, je le répète, la citerne est à côté.

J’ajouterai qu’en 1892 les rues et les places de Djeddah étaient jonchées de malades et de cadavres; autour des citernes situées à l’est de la ville, des centaines de cholériques répandaient leurs déjections. Les causes d’insalubrité sont donc multiples, et l’on ne peut espérer quelque amélioration avant que l’influence européenne ne se soit développée à Djeddah, et que d’abondantes amenées d’eau ne viennent faire disparaître l’emploi des eaux de citerne, si facilement et si gravement contaminées.

Djeddah, pendant la quinzaine qui précède les fêtes, prend une physionomie toute particulière. Les lignes permanentes des compagnies de navigation desservant régulièrement cette escale, les agens et les affréteurs de navires envoyés au Hedjaz à titre extraordinaire, s’installent au bazar dans de petites échoppes, clouent à l’auvent le pavillon de leur nation, et font rabattre les pèlerins à leur guichet par des courtiers et des agens secondaires. Ce trafic, pour lequel tous les moyens sont bons, intéresse à certains égards nos compagnies. Leurs navires, n’ayant jamais au retour leur chargement complet d’aller, — et ce déficit s’explique en partie par la mortalité des hadjis, — font leur plein avec des Tunisiens ou des Marocains, mais le gros des affaires se traite sur les pèlerins du sud: Indiens, Javanais, hadjis du golfe Persique, etc. Les billets de passage pour le retour ne doivent, d’après les règlemens ottomans, être délivrés qu’à Djeddah, alors que le navire pour lequel le billet est distribué se trouve sur rade. Cette garantie est nécessaire pour les pèlerins, car trop souvent déjà on a abusé de leur crédulité, et on leur a fait payer à la Mecque ou à Médine des billets d’embarquement pour des navires imaginaires.

A quelques centaines de mètres de l’enceinte de Djeddah, sur la route de la Mecque, est une construction sommaire qui, au premier passage des pèlerins, avant les fêtes, est occupée par un café arabe, et qui se transforme à leur retour en un dépôt de mourans. Les caravanes arrivent au lever du soleil ; au fur et à mesure qu’ils passent une barrière dressée un peu en avant du café, les chameaux sont arrêtés, et les choukdoufs ou litières, visitées.