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ainsi au-dessus de la rue une sorte de plafond qui tempère les ardeurs du soleil. Sur les faces des habitations sont disposés des moucharabiehs avec fenêtres pleines et grillées, meublées à l’intérieur de nattes et de coussins. Quelques-unes sont d’une grande valeur. Il y en a en bois des Indes, ornées de sculptures qui rappellent l’art mauresque à son époque la plus brillante. Des marchands indigènes, auxquels il faut joindre quelques Grecs, assis tranquillement à la mode orientale, fumant de longs narghiléhs ou psalmodiant le Coran, offrent aux passans des étoiles, des objets d’alimentation, etc.

Les habitans de Djeddah appartiennent à la grande famille sémitique; mais le Djeddaoui de race pure n’existe pour ainsi dire plus. Il s’est mêlé à d’autres races venues surtout de l’Arabie méridionale. Les hommes portent la galabieh, robe ample aux couleurs voyantes, serrée autour du corps par une large ceinture. Leur tête est entourée du turban et la plupart ont aux pieds des babouches rouges. Les femmes de la classe inférieure, vêtues comme celles d’Egypte, portent un pantalon fermé à la cheville, une robe généralement d’un bleu foncé. Le visage est recouvert d’un voile. Chez les riches, les camisoles, les pantalons d’étoffe somptueuse, sont brodés d’or et de soie. Beaucoup ont les doigts de pieds ornés de bagues.

On apporte l’eau, de sources situées à quelques heures de la ville, dans des outres, à des de chameau. Elle est distribuée aux habitans, qui la conservent dans de petites citernes. « De cette eau de Djeddah, je conserverai un souvenir éternel », dit le docteur Saleh Soubhy, envoyé en mission au Hedjaz. — Il faut vivre dans ce pays et se voir tourmenté par la soif que provoquent 40 degrés de chaleur pour se résoudre à boire une eau puisée dans des citernes mal entretenues où pullulent des quantités énormes d’animalcules ! Et cependant le gouvernement turc avait donné une somme considérable pour la construction d’un aqueduc qui devait amener à la ville les eaux de la source Aïn Zibedah, située à quelques kilomètres dans la montagne. Le canal fut creusé, mais on prétend que l’aqueduc a été détérioré, détruit en partie, par ordre des propriétaires des citernes qui ne pouvaient plus vendre leur eau.

Le nettoyage de la ville est tout à fait primitif : ce sont les pluies qui en sont chargées, et il ne pleut à Djeddah qu’une ou deux fois par an. Le sol reste donc encombré d’épluchures de légumes, de fruits gâtés, de détritus de tout genre. Les chiens et les chèvres qui rôdent partout sont les seuls agens de la voirie. Les lieux d’aisance sont contigus aux appartemens, placés à l’angle d’un