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leurs titres sur le marché ; tandis que, dans cinq ans, l’ordre étant rétabli à l’intérieur et la paix assurée au dehors, il n’y aurait aucun danger à réduire la puissance de l’amortissement. Mais la proposition de M. Bailliot, appuyée par le rapporteur M. Humann, fut vivement combattue par M. de Mosbourg. Ce député représenta que, en l’adoptant, la Chambre détruirait la sage résolution prise sur sa demande ; qu’il n’y avait pas plus de raison de renoncer au droit d’annulation pour cinq ans que d’y renoncer pour toujours, et que c’était surtout au milieu des circonstances critiques invoquées par M. Bailliot qu’il importait de réserver la liberté complète de l’Etat, et de ne pas abdiquer la faculté de disposer, s’il en était jamais besoin, de ressources précieuses ; qu’il était des influences auxquelles la Chambre devait se soustraire ; que ces influences cherchaient à exercer sur elle leur pression, mais que la Chambre représentait la France entière et non pas cette fraction minime de Français qui spéculent à la bourse dans leur intérêt privé.

Par cette dernière phrase, M. de Mosbourg ne faisait que se rendre l’interprète des sentimens dont nous avons parlé plus haut, et il trouva un appui énergique dans M. Dupin qui, après avoir repris une partie de ses argumens et avoir fait appel à l’union et à la concorde des partis honnêtes comme au moyen le plus efficace de rétablir et de consolider le crédit, crut devoir éclaircir un point qui pouvait paraître obscur. Plusieurs orateurs, en effet, avaient raisonné dans la supposition qu’en cas d’appel au crédit ce seraient les rentes rachetées qui seraient de nouveau remises sur la place. M. Dupin établit que ces rentes étaient frappées de mort, que, sous peine de faux, elles ne pouvaient plus être l’objet d’aucune négociation, qu’il y avait là engagement formel pris par l’Etat envers ses créanciers, et que, si l’Etat se trouvait dans la nécessité de contracter un emprunt, alors, pour ne pas être obligé de recourir à une aggravation d’impôts, il devrait annuler les rentes rachetées et appliquer aux nouvelles le crédit qui leur était affecté. Après cette explication, et malgré l’avis favorable de M. Laffitte, l’amendement de M. Bailliot fut rejeté à une forte majorité.

Il fallut ensuite décider dans quelle proportion les 40 millions de la dotation, et jusqu’à leur annulation les 39 millions de rentes rachetées seraient affectés à l’amortissement de chaque nature de dette. Le gouvernement et la commission avaient proposé de faire le partage, eu égard au capital nominal des rentes restant à racheter sur chaque fonds le jour de la promulgation de la loi. MM. Mauguin et de Mosbourg demandèrent au contraire qu’il eût lieu proportionnellement à la somme des intérêts. Dans le