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l’empereur Alexandre III que le raisin de Corinthe soit dispensé de droits d’entrée en Russie pendant dix ans. Les effets de cette faveur commencent à se faire sentir. A la fin de janvier 1895, l’exportation des raisins de Corinthe s’élevait à 122 300 tonnes, sur lesquelles la Russie a pris pour son compte 21 000 tonnes, tandis qu’à la fin de janvier 1893 elle n’en avait pas demandé plus de 3 000.

Toutefois l’Angleterre continue à être le gros acheteur de raisins de Corinthe. Elle en a pris 61 000 tonnes. Tant que le plum-pudding sera, dans ce pays, un mets national, la Grèce aura là un client sûr et régulier. Grâce aux commandes venues de la Russie et même de la France, où la vente des raisins secs tend à se relever (de 4 000 à 16 000 tonnes), les prix se sont améliorés et la viticulture hellénique a éprouvé un notable soulagement.

Il serait important, néanmoins, que le raisin ne restât pas le produit presque unique de la Grèce. Le sol est favorable à beaucoup d’autres cultures. Depuis longtemps le tabac grec est renommé, surtout celui qui se récolte dans la riche plaine d’Argos. Dans cette même plaine les paysans ont commencé depuis quelques années à se livrer aux cultures maraîchères, et ils écoulent une bonne partie de leurs produits sur les marchés de Smyrne et de Constantinople. D’autres parties de la Grèce pourraient être non moins productives. La plaine de l’Elide, beaucoup plus étendue que celle d’Argos, est presque aussi fertile et le deviendrait surtout si certaines parties marécageuses étaient asséchées par des drainages intelligens.

La population est économe et sobre. Le cultivateur hellène pourrait travailler davantage ; il pourrait surtout employer des méthodes et des instrumens plus perfectionnés ; mais il a un grand mérite : il vit de peu. La fortune publique se referait vite par les économies des particuliers, si l’on mettait un terme aux gaspillages de l’Etat. C’est là qu’il faut porter le remède, parce que là est le mal. La politique telle qu’on la pratique en Grèce depuis de longues années, cette politique qui subordonne et sacrifie tout à l’intérêt électoral, est le seul obstacle au développement économique d’une nation énergique et vivace, qui ne demande qu’à travailler, à produire et à prospérer.


EDOUARD HERVE.