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avec les partis, avec les journaux, avec une population habituée à commenter, à discuter, à critiquer les actes du gouvernement.

Une proposition aussi impopulaire que celle dont il est question serait une arme meurtrière contre quiconque en prendrait la responsabilité. Aucun ministère n’y résisterait. La dynastie elle-même, si aimée, si respectée, n’y résisterait pas.

Il serait moins dangereux pour le roi de faire un coup d’Etat à l’intérieur que de négocier avec les puissances étrangères sur la base de la création d’un contrôle financier. Je disais tout à l’heure que certaines personnes, et non pas des moins qualifiées, l’approuveraient peut-être de suspendre, pendant une période plus ou moins longue, les garanties constitutionnelles. En tout cas on l’applaudirait unanimement s’il réclamait et s’il obtenait une augmentation des pouvoirs que la Constitution donne à la royauté. On ne lui pardonnerait pas, au contraire, d’aliéner, au profit de l’étranger, la moindre parcelle des droits et de l’indépendance du pays.

Le contrôle financier de l’étranger, en Grèce, ne pourrait être établi que par la force, et, une fois établi, la force devrait encore être employée pour le faire fonctionner. La rentrée des impôts, qui est restée régulière malgré la crise financière, malgré la crise politique, malgré la dissolution de la Chambre et l’absence d’un cabinet parlementaire, deviendrait plus qu’aléatoire, le jour où la perception, même régulièrement votée, se ferait pour le compte et sous la surveillance de l’étranger. On mettrait alors son patriotisme à ne pas payer, comme on le met aujourd’hui à payer. Il ne semble pas que les intérêts engagés dans la question soient de nature à justifier, de la part des grandes puissances, l’emploi des moyens de rigueur qu’exigerait, dans ces conditions, l’établissement du contrôle financier.

C’est ici le moment d’examiner à combien peut se chiffrer le préjudice causé par la faillite de la Grèce aux pays étrangers chez lesquels les emprunts helléniques avaient été placés. Ces pays sont au nombre de trois : la France, l’Angleterre et l’Allemagne. La France n’a pas la part principale dans le désastre. La somme des fonds d’État helléniques qui se trouvent dans notre pays n’atteint certainement pas en capital, le chiffre de 100 millions : d’après certains calculs, elle ne dépasserait pas 50 ou 60 millions. L’Angleterre et l’Allemagne, qui s’étaient engagées plus largement, sont aussi plus éprouvées. Il y a toutefois entre les deux pays cette différence, que les perdans anglais sont pour la plupart des capitalistes, des financiers, habitués à diviser leurs risques et plus ou moins préparés aux hasards que peuvent