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expertes en corruption. Il doit y en avoir parmi la foule qui entre au Capitole comme dans un moulin et arpente continuellement les couloirs, mais rien ne les révèle à mon attention. Somme toute, ce qui m’a le plus frappée durant les séances où le tapage des débats ne paraît troubler on rien le repos de quelques dormeurs sans gêne couchés tout de leur long sur les divans, c’est la dignité de cette prière quotidienne prononcée avant l’ouverture. Le chapelain aveugle fait une entrée majestueuse, appuyé à l’épaule d’un enfant. Tout le service est confié à de petits garçons en vestes courtes et en grands cols blancs qui ont l’air d’une troupe d’écoliers lâchés à travers les conversations sérieuses des grandes personnes. Ils doivent ce privilège à la prestesse de leurs mouvemens et, en effet, s’acquittent des commissions, portent les messages en un clin d’œil, d’un bond de jeunes singes. Mais le page qui guide les pas du chapelain Milburn semble comprendre le sérieux de sa mission ; il marche lentement, très grave, et tous ces hommes qui écoutent debout la prière sont graves aussi, avec l’apparence du respect, les pires comme les meilleurs. Je n’y vois pas de mal ; c’est une soumission à la forte discipline qui veut que dans chaque famille américaine le père ne se dispense jamais des signes extérieurs de la religion au lieu de la trouver bonne tout simplement pour les enfans et pour les femmes. Cet appel des lumières d’en haut sur la discussion des affaires du pays doit certes étonner les républiques européennes qui ne veulent plus de la prière dans les écoles, qui, à plus forte raison, la banniraient des assemblées politiques, si elle y avait jamais existé. Hypocrisie, dira-t-on ! Esprit public, répondent les races anglo-saxonnes. Elles ont compris mieux que d’autres, il me semble, la vertu qui résulte de l’exemple renforcé par une incessante et impitoyable police de l’opinion.

Une catégorie de femmes qui appartient par excellence à Washington est celle des fonctionnaires du gouvernement. D’année en année leur nombre augmente dans les divers ministères ; elles prennent part aux concours qui permettent d’atteindre les emplois les plus importans et les mieux rétribués.

Une heureuse fortune me mit en relation, dès mon arrivée, avec l’une des agentes spéciales de ce bureau du travail qui publie chaque année de si précieuses statistiques[1]. Miss de Graffenried a rédigé quelques-uns des principaux rapports sur le travail manuel des femmes ; sous son impulsion, l’Arundell,

  1. Condition de la femme aux États-Unis, Homes et clubs d’ouvrières, 1er décembre 1894.