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Ce culte des ancêtres, édicté par le Hsiao, est à peu près la seule religion du cœur chinois. Le reste de leurs rites n’est que pratiques machinales. Aux jours fériés, le peuple va porter des offrandes aux jardins où sont les mausolées. M. de Lanessan nous montre les mandarins annamites vivant dans un petit enclos qui renferme les sépultures de famille ; et les obsèques donnent lieu aux cérémonies les plus caractéristiques de la vie chinoise. Ressemblance significative entre les fils de Han et notre peuple parisien ! En majeure partie, il n’a plus d’autre religion que le culte des morts ; sa sensibilité, déshabituée des autres cultes, reflue sur celui-ci avec une intensité croissante ; les moins philosophes des reporters en font souvent la remarque. Les promenades aux cimetières, à certains jours, deviennent un rite populaire ; et les manifestations imposantes, les expressions typiques de notre vie nationale, se réduisent de plus en plus aux funérailles solennelles des citoyens illustres, ou provisoirement réputés tels.

M. Famin nous explique comment le code du Hsiao déduit de son premier principe tous les devoirs moraux et sociaux, envers le prince, envers le prochain, jusqu’aux règles de la civilité et aux minuties de l’étiquette. Je n’insiste pas sur cette philosophie sociale : elle a été souvent étudiée. Montesquieu la résumait déjà avec complaisance dans l’Esprit des Lois : « Les législateurs de la Chine firent plus (que Lycurgue) : ils confondirent la religion, les lois, les mœurs et les manières ; tout cela fut la morale, tout cela fut la vertu. Les préceptes qui regardaient ces quatre points furent ce que l’on appela les rites. Ce fut dans l’observation exacte de ces rites que le gouvernement chinois triompha. On passa toute sa jeunesse à les apprendre, toute sa vie à les pratiquer. Les lettrés les enseignèrent, les magistrats les prêchèrent. » — Un manuel de morale positive et de bienséance, enseigné par les lettrés, où les devoirs, envers l’Etat tiennent la première place et se confondent avec ceux de la solidarité humaine… Eh ! je crois que je connais cela : c’est le Manuel de morale civique, le Hsiao inculqué aux petits Chinois vraiment bien élevés, sevrés de toute autre doctrine, à ceux de la dernière jonque.

Le trait dominant de cette civilisation asiatique, celui qui frappe le plus nos auteurs et retient le plus longtemps leur attention, c’est l’importance du lettré-fonctionnaire, — les deux ne font qu’un, — dans une race égalitaire, démocratique, respectueuse seulement des diplômes donnés au concours, jusqu’au moment où les abus faussent les concours. Ici, je n’ai qu’à citer au hasard, et je n’en finirais plus si je citais tous les passages topiques des deux ouvrages que je résume :