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à son budget établi pour moins de quarante millions d’hommes et montrerait avec orgueil les 375 millions que lui donne la vente des tabacs, les 410 millions qu’il perçoit sur les vins et l’alcool. La bière, à elle seule, rapporte presque autant au lise français qu’à l’Allemagne, alors que la quantité consommée y est peut-être vingt fois ce qu’elle est chez nous.

Il y aurait d’amples moissons à faire de l’autre côté du Rhin pour celui qui voudrait ou pourrait y appliquer nos tarifs. Nous ne prétendons point que ce soit chose aisée. Mais nous en concluons que la matière imposable, si elle est réfractaire, présenterait du moins des ressources sérieuses en cas de nécessité. Rien encore dans le budget allemand n’indique une surcharge excessive. Le point noir est l’infiltration rapide du socialisme d’Etat, qui fait inscrire tous les ans des sommes plus considérables pour les versemens aux caisses d’assurances : en quatre ans elles ont passé pour l’Empire de six à quatorze millions. Ce dernier chiffre ne serait pas bien effrayant, s’il ne marquait le début d’une progression que tout fait présager rapide. Il n’est pas aisé d’évaluer les sommes que les budgets futurs auront à fournir de ce chef, si même la législation actuelle n’est pas modifiée, et il est plutôt vraisemblable qu’elle le sera dans un sens qui imposera à l’Etat des charges croissantes. C’est de ce côté autant que vers les dépenses de la guerre et de la marine qu’il faut tourner les yeux pour essayer de prévoir la marche à venir des budgets allemands. L’impartialité nous oblige à déclarer qu’ils nous paraissent de force à supporter des assauts répétés. Il est vrai que dans aucun pays du monde, sauf peut-être en Australie et en Nouvelle-Zélande, le socialisme n’est aussi puissant que chez nos voisins. Nous ne savons ce qu’il fera d’eux au point de vue politique : nous ne pouvons que constater la solidité de l’organisme financier auquel il s’attaque.


RAPHAEL-GEORGES LEVY.