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une jeune fille, sous forme de lettres, un cours élémentaire de botanique, il écrivit, pour répondre à une demande du même genre, un Traité de la sphère qui a été retrouvé dans ses papiers, et que M. Streckcisen a publié.

Rousseau étudiait la physique dans les œuvres de Rohault, et faisait maladroitement quelques expériences de chimie. Cela suffisait pour être remarqué dans une petite ville où les savans étaient rares ; et le bruit en parvint, à vingt lieues de là, jusqu’à Nyon, où vieillissait le père de Jean-Jacques. Il en l’ut ému et inquiet, et s’empressa d’écrire à Mme de Warens : « J’ai appris depuis quelques jours que mon fils soufflait. Si cela était vrai, je serais fort affligé ; car il est impossible qu’une personne ne se ruine en voulant faire des épreuves continuelles de chimie. Il est vrai qu’on trouve de beaux secrets, mais ils sont plus utiles aux autres qu’à celui qui a bien brûlé du charbon pour les trouver. » Les craintes du bonhomme étaient sans fondement. Son fils n’étudiait que pour s’instruire, et ne cherchait pas la pierre philosophale ; mais il manquait des secours nécessaires à ce genre d’études. Il n’y avait pas à Chambéry un cabinet, de physique pourvu d’une abondance d’instrumens, ni un vrai laboratoire de chimie. C’est plus tard seulement que Rousseau, établi à Paris, put approfondir ces branches de la science, quand il suivit, à trente-cinq ans, les cours de Rouelle.

C’est plus tard encore, c’est à 50 ans, qu’il a abordé l’étude de la botanique, lorsque, exilé de France, il passa quatre étés dans le Jura. Il se lia avec les sa vans du pays, qui l’entraînèrent dans leurs excursions ; ils n’eurent pas de peine à lui faire aimer la recherche des plantes : c’est un goût qui se liait si bien à celui qu’il avait pour les longues promenades à pied ! Mais au temps des Charmettes, où des courses d’herborisation eussent été pour lui une occupation tout à fait bien choisie, aussi agréable qu’instructive, il ne trouva pas autour de lui, comme plus tard dans le pays de Neuchâtel, un Gagnebin pour l’initier à cette étude. Claude Anet l’avait cultivée, il est vrai ; mais il était mort trop tôt, à un moment où Rousseau était tout entier à la musique.

M. de Conzié, qui, pour cette période de la vie de Jean-Jacques, est le seul témoin dont les dires complètent le récit des Confessions, nous donne un renseignement intéressant qu’il faut relever ici : « Son goût décidé pour la lecture faisait que Mme de Warens le sollicitait vivement pour qu’il se livrât tout entier à l’étude de la médecine : ce à quoi il ne voulut jamais consentir. » Parce qu’un jeune homme aimait les livres, croire que l’art médical fût son fait, ce n’était pas, de la part de Mme de Warens,