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seraient les parias de l’humanité blanche. Tandis que Méditerranéens, Sémites, Aryas s’équivalent à peu près, les Celto-Slaves, eux, seraient bien au-dessous des autres. Pourquoi ? Selon M. Grant Allen, le Celte a « la constitution de fer, l’ardente vigueur, la passion indomptée du danger et de l’aventure, l’imagination fiévreuse, l’éloquence abondante et un peu fleurie, la tendresse de cœur et l’inépuisable générosité. » Ce portrait, dû à un Anglo-Saxon et inspiré par le souvenir du Celte Tyndall, est-il celui d’une race déshéritée ? Selon Renan, les Celtes ont à la fois la réflexion et la naïveté ; ils sont sans doute attachés à la tradition ; par des raisons historiques et géographiques, mais ils ont un ardent amour du beau immatériel, un penchant à l’idéal tempéré par le fatalisme et la résignation. Timide et irrésolu devant les grandes forces de la nature, le Breton est familier avec les esprits d’un monde supérieur : « Dès qu’il a obtenu leur réponse et leur appui, rien n’égale son dévouement et son héroïsme. » Les anthropologistes mêmes qui ont imaginé l’épopée des blonds concèdent aux Celto-Slaves une intelligence souvent « égale à celle des Aryas les plus intelligens. » Et en effet, il est difficile de soutenir qu’Abélard, Descartes, Pascal, Mirabeau, Lesage, Chateaubriand, Lamennais, Renan (pour ne parler que des Français) aient manqué d’intelligence. Parmi les Slaves, Pierre le Grand, qui d’ailleurs avait du sang allemand dans les veines, a le teint très brun, les yeux et les cheveux très noirs, les pommettes saillantes, peu de barbe et de moustaches, le type mongoloïde, ce qui ne l’empêcha pas d’avoir beaucoup d’intelligence, avec beaucoup de vices, tout comme la blonde Allemande d’Anhalt, Catherine II. Malgré cela, on prétend que les Celtes et les Slaves, dans l’ensemble, ont fourni moins de génies et surtout moins de volontés puissantes. Le fait est difficile à vérifier, pour ne pas dire impossible. Si l’intelligence celtique et même slave peut souvent égaler l’intelligence Scandinave ou germanique, il est bien probable que ce sont des circonstances historiques, géographiques ou autres qui, on fait, ont favorisé telle race plutôt que telle autre sous le rapport des talens. La Bretagne, par exemple, l’Auvergne et la Savoie n’étaient pas des centres commodes pour la mise en relief des génies, ce qui ne les a pas empêchées d’en produire. Quant à la puissance des volontés, comment la répartira-t-on ? La Bretagne a vu naître Olivier de Clisson, Duguesclin, Moreau, Cambronne, La Tour d’Auvergne, Surcouf, Duguay-Trouin, Lamothe-Piquet, Ducouëdic ; ces hommes manquaient-ils de volonté ? Et si les dolichocéphales ont en général la volonté plus violente, les brachycéphales plus patiente et plus entêtée, y a-t-il là la base d’une classification « zoologique » ? Ni en général, ni en particulier, un