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Sarrebruck, de mines de charbon dont on peut apprécier l’importance par ce double détail qu’elles ont rapporté, dans la seule année 1874, 31 millions de francs, et qu’elles valent aujourd’hui encore une centaine de millions. Il résolut de les vendre et, comme il semblait fort pressé de trouver un acquéreur, il se contenta d’en demander 25 ou 27 millions. La Société de Wendel, avec qui il était disposé à traiter, se mit en mesure de réaliser les fonds, aidée de divers capitalistes parisiens. Mais tandis que les pourparlers continuaient et que la guerre austro-prussienne suivait son cours, le cabinet de Berlin se refroidissait, puis élevait des prétentions nouvelles. Bref, le lendemain de Sadowa, l’affaire fut brusquement rompue par le ministre du roi Guillaume. Sans prétendre tirer de ce détail plus qu’il ne comporte, il est certain que, si la province rhénane avait dû être cédée à la France, les bien domaniaux qui y étaient situés fussent passés de droit d’un pays à l’autre ; au contraire, vendus d’avance à des particuliers, par mesure de bonne administration du gouvernement prussien, ce dernier, malgré la cession, en gardait légitimement le prix.

Si la société d’Hayange qui, par un pieux souvenir, porte maintenant cette raison sociale : « Les petits-fils de François de Wendel, » a pris un essor aussi rapide, elle le doit certainement à l’usage du procédé Thomas et Gilchrist, mais aussi et surtout à l’extraordinaire activité des deux frères qui la dirigent. Doués des qualités opposées, ils se complètent l’un l’autre. Le premier, ingénieur et industriel prodigue l’argent à propos, augmente le matériel, les moyens de fabrication ; le second, commerçant et financier, a le don de la vente, il fait rentrer avec profit les capitaux. MM. Henri et Robert de Wendel ont compris que la spécialisation était le secret du succès d’une manufacture moderne. Ils se sont attachés à ne faire qu’un petit nombre d’articles : ceux où le prix de la matière première importe plus que la perfection de la main-d’œuvre, les rails par exemple, l’acier en barres ou en lingots, le fil de fer. Et, comme le bassin de la Moselle est à ce point de vue spécialement bien placé, ils sont devenus sans rivaux pour la quantité du métal jeté en pâture au vieux monde.


V

Le Creusot, au contraire, tient la tête pour la variété des produits autant que pour le fini du travail. Ce méthodique et splendide entassement d’usines, couvrant 400 hectares et occupant 15 000 hommes, outillées pour soulever tous les poids, dompter