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gagner davantage, c’est de réduire au minimum le déplacement des matières premières. Il vaut mieux dans ce dessein se rapprocher du minerai, dût-on s’éloigner du coke ; parce que, dans la fabrication de la fonte, il entre ici une tonne de coke contre trois tonnes de minerai, et que par conséquent, l’économie réalisée d’un côté est trois fois plus grande que la dépense effectuée de l’autre.

Ces wagonnets que la mine jette sans discontinuer au dehors, à mesure qu’ils apparaissent à l’orifice, glissant sur les rails, et qu’ils viennent successivement se coller les uns aux autres, un homme les accroche ensemble, et le train se forme. Une locomotive y est attelée et l’emporte à la place d’une égale quantité de wagonnets vides qu’elle ramène de la forge, prêts à retourner séparément sous terre. Ce train de minerai arrive à peine à destination qu’une troupe de déchargeurs s’en emparent, faisant basculer son contenu dans des réservoirs placés en contre-bas de la voie. Ce déchargement, quelque rapide qu’il soit, comporte un premier triage. Suivant leur aspect, les qualités identiques sont réunies dans les mêmes compartimens, pour être isolément employées ou dosées en des mélanges rationnels. En six ou sept minutes, chaque manœuvre a versé quatre ou cinq wagons. Le train vidé repart chercher une nouvelle enfilée de voitures pleines.

Parallèlement à la voie étroite qui amène le minerai se trouve une ligne de largeur normale, raccordée aux réseaux des diverses compagnies de chemins de fer, donnant accès aux arrivages périodiques du coke, dont l’usine consomme 70 wagons par 24 heures. Pour le coke comme pour te minerai, les déchargeurs sont payés aux pièces ; mais la première besogne est moins régulière, par suite plus pénible que la seconde. Les heures de presse succèdent aux heures d’inaction, et ces alternatives de surmenage et de far-niente sont plus pénibles qu’une opération régulière.

Sous les récipiens où s’accumulent côte à côte le coke et les divers minerais, s’étend une salle basse et vaste infiniment, qui porte l’étage supérieur sur des colonnes de fonte énormes et très rapprochées, liées par un plancher de fer. Ici commence le travail perpétuel, qui ne connaît ni jour, ni nuit, ni fêtes. A la mine, on chôme régulièrement le dimanche, et la journée, si elle commence tôt, finit du moins de bonne heure, vers quatre heures de l’après-midi. Mais, pour l’enfantement du fer, la gestation est continue ; le haut fourneau, qui ne se repose jamais, exige qu’on l’alimente sans trêve. Ses entrailles, pour être toujours chaudes, doivent être toujours pleines. Ce géant, qui mot au monde toutes les deux