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personnelle de ceux qui l’ont fondée, qu’est dû chez nous le succès de cette industrie.

Sur les deux millions de tonnes de fonte produites en France, la Meurthe-et-Moselle en fournit 1200000 ; six autres départemens, dont le Nord, la Saône-et-Loire, le Pas-de-Calais, contribuent ensemble pour 600 000 tonnes ; le reste du territoire pour 200 000 seulement. Mais le métal qui sort des hauts fourneaux de Flandre ou de Basse-Bourgogne est loin de provenir exclusivement du minerai de ces régions. A côté de celui qu’ils recueillent sur leur propre terrain : fer couleur de rouille, appelé oolithique parce que ses grains agglutinés ressemblent à des œufs de poisson, enfermés dans une gangue calcaire ; fer pisolithique, jaune sale ou terreux, que l’on prendrait pour un tas de petits pois fossiles ; avec ces minerais indigènes de qualité et de rendement médiocre, — on n’en retire pas plus de 28 à 35 pour 100 en fonte, — se trouvent associés les minerais apportés des Alpes ou des Pyrénées, d’Espagne et de l’île d’Elbe, d’Algérie surtout, de la célèbre Mokta-el-Hadid, la « montagne de fer ».

Ceux-ci donnent 65 pour 100 de leur poids en un métal incomparable, mais que le transport enchérit au point qu’il ne pourrait, dans les emplois ordinaires, soutenir la concurrence des marchandises de moindre valeur. C’est là un fer, un acier aristocratique destiné à la machinerie, aux canons, au blindage des navires. L’importation du minerai algérien ou espagnol s’élevant à 800 000 tonnes par an, dont le produit en fonte est de 500 millions de kilos, on voit que la part du sol national dans la fabrication française se réduit à peu de chose, en dehors du bassin de l’Est.

Là, le minerai est si abondant et d’une extraction si aisée que, malgré sa faible teneur en métal pur, les forges lorraines n’ont pas eu de peine à l’emporter sur toutes les autres sous le rapport de la quantité. Les mines de fer de la Moselle sont pour la plupart peu profondes ; on y entre de plain-pied par une pente douce. Les mineurs travaillent à la tâche par groupes de trois : un chef et deux aides. La roche s’attaque en taillant au pic une tranchée verticale et en faisant sauter, à la poudre, la partie inférieure ; un second coup de mine fait tomber la partie supérieure. Le travail est d’ailleurs beaucoup plus délicat qu’on ne le croirait à l’entendre ainsi énoncer ; il y faut un long apprentissage. Selon l’adresse de son chef, selon la manière dont il aura foré son trou, un chantier abattra plus ou moins, dépensera plus ou moins de poudre. Ce minerai est chargé par un des aides dans un wagonnet, qu’il pousse jusqu’à la galerie voisine. Il y accroche