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États sont sous la conquête ; la France ne renonce à exiger la cession de la rive gauche du Rhin que par égard pour l’empereur ; que l’empereur renonce à stipuler l’intégrité de l’Empire, la République lui abandonnera en Italie tout ce qu’il pourra désirer. Ce débat remit tout en question. Les Autrichiens considérèrent que l’armistice serait rompu en Allemagne le 20, que Hoche serait vraisemblablement plus audacieux que Moreau, et pourrait porter des coups redoutables. Bonaparte les menaça de l’arrivée imminente de Clarke qui, s’il venait avant la signature, réclamerait peut-être au nom du Directoire l’abandon de la rive gauche du Rhin. Ces raisons levèrent les dernières hésitations. Les articles furent signés le 18 avril, dans l’après-midi.

Un grand nombre d’officiers français étaient réunis dans le jardin ; ils savaient la négociation très avancée, mais ils ne s’attendaient pas à un aussi prompt dénouement. Bonaparte sortit du pavillon avec Merveldt et Gallo. « Les préliminaires de la paix sont signés : Vive la République ! Vive l’empereur ! - » Les officiers répondirent par des acclamations. Il y eut un grand dîner chez Bonaparte, qui affecta, avec les Autrichiens, l’esprit républicain. « On va vous donner de belles récompenses, messieurs, leur dit-il, pour les services que vous venez de rendre ; vous aurez des croix et des cordons. — Et vous, général, répliqua le baron de Vincent, vous aurez un décret qui proclamera que vous avez bien mérité de la patrie ; chaque pays a ses usages et chaque peuple ses hochets. »


VI

Il s’agissait de faire accepter par le Directoire un traité qui, dans ses articles païens, abandonnait cette limite du Rhin tant promise à la France et établissait ces républiques d’Italie, dont le Directoire paraissait faire si bon marché. Bonaparte exposa d’abord les avantages directs de la transaction[1] : les limites constitutionnelles, une République puissante qui donne à la France pied en Italie ; entre cette République et la France, Gênes, qui est sous nos prises, le Piémont qui demeure à notre discrétion. Sans doute on a promis les Légations à Venise ; mais il est probable que le Sénat refusera cette compensation, la jugeant « inconvenante et insuffisante » : les trois Légations demeureront en notre pouvoir, et nous les réunirons à la République lombarde. Nul motif de s’apitoyer sur Venise : son Sénat « est le plus absurde et

  1. Bonaparte au Directoire, 19 avril 1797.