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plus facile de réaliser ensuite une décentralisation plus sérieuse ? La question ressemble beaucoup à celle qui se pose entre les facultés d’aujourd’hui et les grandes universités de l’avenir, avec la différence qu’il s’agit ici d’un beaucoup plus grand nombre d’intérêts divers. C’est assez dire qu’elle n’est pas aisée à résoudre. Le rapport de M. Ribot ne trace pas à la commission un programme aussi étendu, mais qui sait si la commission n’étendra pas elle-même les limites qui lui ont été assignées ou plutôt indiquées ? Il est certain que nos cadres administratifs se prêtent mal à la décentralisation : on y trouve partout une gêne et des obstacles. La Chambre n’a jamais étudié ces grandes questions : elle s’est bornée quelquefois, au cours de la discussion du budget, à voter la suppression des sous-préfets, pour les rétablir le lendemain. Au fond, il ne s’agissait pour elle que de renverser un ministère. C’est malheureusement par ces petits côtés que les assemblées parlementaires, surchargées de tant d’autres besognes, abordent ou résolvent les problèmes les plus graves. La commission qui vient d’être instituée pourrait nous rendre le service de les prendre de plus haut, de les étudier dans leur ensemble, et d’ouvrir des vues sur les solutions possibles. En tout cas, elle en aurait rendu un, si elle détournait les Chambres futures de massacrer, par un simple vote de crédit, un certain nombre de sous-préfets ou de conseillers de préfecture. Les réformes faites par voie budgétaire, suivant le hasard d’une discussion décousue et le caprice du moment, sont presque toujours mal faites, et c’est contre elles que nous avons voulu protester.


On a beaucoup parlé de l’Égypte depuis quelques jours, beaucoup trop à notre avis, et sur des bruits dont il a fallu ensuite reconnaître l’exagération. La presse anglaise a jeté feux et flammes ; le Times, en particulier, s’est distingué par la violence de ses polémiques. Il a pris à partie directement le khédive qu’il a traité de « gamin arrogant et sot », et il a fait résonner sur sa tête les foudres de la colère la plus menaçante. On se serait cru à la veille d’événemens graves, sans que personne pût dire au juste qu’elle en était la cause, ni quel en serait le caractère. Naturellement, tout le monde en Europe s’est plus ou moins préoccupé de cette situation. On est allé aux renseignemens, on a pris des informations, et on s’est aperçu qu’il ne s’était rien passé d’anormal en Égypte. Une rixe a eu lieu, dans une ruelle d’Alexandrie, entre des soldats anglais avinés et des indigènes : il fallait voir là un fait divers assurément malheureux, mais non pas une tentative d’émeute et de soulèvement. La presse anglaise a parlé du réveil du fanatisme musulman, ce qui ne peut que faire rire ceux qui connaissent l’Égypte, le pays du monde où il y a le moins de fanatisme d’aucune espèce. Autrefois, lorsque les Anglais d’Égypte voulaient inspirer des