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faiblesse, de ses hésitations, de son incapacité à réaliser aucun des rêves dont il avait l’âme pleine. C’est d’un ton presque sévère que, dans la seconde partie de cette lettre, il l’engage à prendre sérieusement en main les affaires de l’empire, à secouer sa torpeur, à faire montre d’autorité à l’égard de son entourage.

Alexandre, apparemment, n’avait ni l’habitude, ni le goût de ces dures leçons. Il aimait à être guidé, mais avec plus de douceur et de précaution. Pour franche, désintéressée, et précieuse qu’il la sentît, l’amitié de Parrot commençait à lui peser. Il fit grâce à Speranski, répondit à Parrot, dans un petit billet en français, « qu’il avait lu sa lettre avec émotion et sensibilité. » Mais désormais il cessa de consulter sur sa politique le professeur de Dorpat. Jamais plus, jusqu’à sa mort, il ne le revit.


II

La Gœthe-Litteratur continue — ai-je besoin de le dire ? — à tenir une place considérable dans toutes les revues allemandes. La Deutsche Rundschau publie un écrit inédit du poète, le projet d’une fête en l’honneur de Schiller. Dans la Deutsche Revue, M. Bock raconte les relations de Gœthe avec un professeur de droit de l’Université de Giessen, Hœpfner, qui lui a fait connaître, le premier, l’Ethique de Spinoza. Et M. Otto Harnack essaie précisément de démontrer, dans les Preussische Jahrbücher, comme il l’a fait déjà dans un gros ouvrage, que si grande qu’ait été sur Gœthe l’influence de Spinoza, elle ne l’a pas empêché de s’intéresser aux doctrines de Kant et des nouveaux philosophes allemands.

M. Harnack cite à ce propos, en y ajoutant de copieux commentaires, toute une série d’aphorismes de Gœthe qui étaient jusqu’à présent restés inédits, et que viennent de publier les Archives Gœthiennes de Weimar. Ces aphorismes se rapportent à divers sujets d’esthétique et de philosophie : et la plupart seraient assez insignifians, si tout autre que Gœthe les avait écrits. Mais quelques-uns me paraissent offrir un intérêt véritable par l’inquiétude dont ils témoignent chez Gœthe de la portée et de la valeur positive de la science. Ce sont, en quelque sorte, des objections que Gœthe se posait à lui-même, touchant la possibilité d’atteindre par la science à une vérité certaine. Elles montrent à quel point ce grand esprit avait la claire notion de la relativité de toute connaissance, et combien il en souffrait, dans son aspiration à soumettre l’univers aux lois de la pensée. Voici d’ailleurs les principaux de ces aphorismes ; leur sens est assez précis pour se passer de tout commentaire :